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bouillant d’ardeur fit un écart au moment même où, regagnant un terrain uni, elle venait de le remettre au galop. Ce fut pour moi une occasion de me diriger vers elle comme pour la secourir : mais il n’y avait aucun sujet d’alarme, ce n’était ni une chute, ni un faux pas, et d’ailleurs la belle amazone était trop ferme sur les arçons pour s’en épouvanter. Elle me remercia pourtant par un sourire de mes bonnes intentions, et je me sentis encouragé à mettre mon cheval au pas avec le sien et à galoper à ses côtés. Les cris triomphants de mort ! mort ! et les fanfares du cor de chasse qui y répondaient, annoncèrent bientôt qu’il n’était plus besoin de se presser, puisque la chasse était finie. Un des jeunes gens que j’avais déjà aperçus vint à nous, brandissant en signe de triomphe la queue du renard, comme pour narguer ma belle compagne.

« Je vois, dit-elle, je vois ; mais ne faites pas tant de bruit : si Phœbé, » ajouta-t-elle en caressant le cou du bel animal qu’elle montait, « n’avait pas dû suivre un chemin rocailleux, vous n’auriez pas sujet de vous tant vanter. »

À ces mots ils se rejoignirent, et je les vis me regarder tous deux et causer bas quelques minutes. La jeune dame semblait adresser au chasseur une demande que celui-ci repoussait avec une espèce d’opiniâtreté ridicule. Alors elle dirigea son cheval de mon côté en disant : « Bien, bien, Thornie[1] ; si vous n’osez pas, j’irai moi-même, voilà tout. Monsieur, continua-t-elle en s’adressant à moi, je voulais engager cet aimable et galant cavalier à venir s’informer auprès de vous si, dans le cours de vos voyages dans cette contrée, vous n’auriez pas entendu parler d’un de nos amis, d’un M. Francis Osbaldistone que nous attendons depuis quelques jours au château ? »

Je fus trop heureux d’apprendre à la jeune dame que j’étais la personne pour qui elle s’intéressait, et de lui témoigner ma reconnaissance d’une demande si obligeante.

« Alors, monsieur, reprit-elle, comme la politesse de mon parent semble encore endormie, vous me permettrez, quoique cela ne soit pas convenable, de m’établir maîtresse des cérémonies, et de vous présenter votre cousin le jeune squire Thorncliff Osbaldistone, et Die[2] Vernon, qui a aussi l’honneur d’être la parente de votre galant cousin. »

  1. Diminutif familier, pour Thorncliff. a. m.
  2. Au lieu de Diana. a. m.