Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clerc de Votre Honneur ? Ne voudriez-vous pas écouter cette histoire, monsieur, et accepter un verre de cette excellente eau-de-vie ? — Je ne bois rien, monsieur, répondit le colonel Éverard ; quant à vous, vous avez déjà bu un verre de trop. Monsieur Tomkins, je vous souhaite une bonne nuit. — Un mot de religion avant de nous quitter ! » dit Tomkins en se plaçant derrière le dos d’une grande chaise recouverte en cuir, crachant et se mouchant, comme pour se préparer à une longue exhortation.

« Excusez-moi, monsieur, » dit Markham Éverard sévèrement : « vous n’êtes pas assez en état de vous conduire vous-même pour diriger la dévotion des autres… — Malheur à ceux qui rejettent de pareilles propositions !… » dit le secrétaire des commissaires en traversant la chambre. Le reste de la phrase se perdit quand la porte se referma, ou fut supprimée de peur d’offense.

« Et maintenant fou de Wildrake, va te coucher… tiens, par là, » dit-il en lui montrant l’appartement du chevalier.

« Ah ! tu gardes celui de la demoiselle pour toi ! Je t’ai vu mettre la clef dans ta poche. — Non pas… en vérité, car je ne pourrais dormir dans cette chambre ; et comme je ne puis dormir nulle part, je sommeillerai dans ce fauteuil… J’ai fait remettre du bois au feu… Bonsoir, va-t’en au lit, et cuve ta boisson. — Ma boisson ! tu me fais rire de pitié. Mark… Tu es poule mouillée et fils de poule mouillée : tu ne sais pas ce que peut faire un honnête garçon quand il a bu un bon verre d’eau-de-vie. — Tous les vices de son parti sont réunis dans ce pauvre diable ! » se dit le colonel en suivant des yeux son protégé, pendant que celui-ci se retirait d’un pas mal assuré vers l’appartement qu’on lui avait désigné. « Il est étourdi, intempérant, dissolu ; et si je ne parviens pas à l’embarquer pour la France, il causera certainement sa ruine et la mienne. Pourtant, au fond, il est bon, brave et généreux, et il m’aurait rendu les services qu’il attend aujourd’hui de moi. En quoi consisterait le mérite de la bonne foi, si nous ne gardions notre parole qu’autant que nous ne craindrions aucun danger ? Cependant je vais me mettre en garde contre une nouvelle interruption de sa part. »

Alors il ferma la porte de communication qui conduisait de la chambre à coucher où le Cavalier s’était retiré, dans le salon ; et, après s’être promené d’un air pensif, il revint s’asseoir, alluma la lampe et tira un paquet de lettres. « Je les relirai encore une fois, dit-il, afin que, s’il est possible, en songeant aux affaires publiques,