Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/87

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nous avons déjà failli mourir de peur d’une visite que Satan nous a faite ; mais sa fourche est à présent refroidie. — Ce conte pourra bien trouver sa place, monsieur le secrétaire, dit Éverard, et vous pourrez le placer dans votre sermon la première fois que vous serez tenté de faire le prédicateur ; mais il ne pourra vous excuser de me laisser à la porte lorsque le vent est si froid ; et si vous ne m’ouvrez pas aussitôt et ne me traitez pas convenablement, je rendrai compte à votre maître de l’insolence avec laquelle vous remplissez vos fonctions.

Le secrétaire de Desborough n’osa point faire une plus longue opposition : car il était bien connu que Desborough lui-même ne devait son crédit qu’à son titre de parent de Cromwell, du lord général qui commençait à devenir déjà souverain, et dont on connaissait les bonnes intentions à l’égard des deux Éverard, père et fils. Il est vrai qu’ils étaient presbytériens et lui indépendant, et que tout en partageant ces sentiments de moralité sévère et plus encore d’enthousiasme religieux qui distinguaient à peu d’exceptions près le parti parlementaire, les deux Éverard n’étaient pas prêts à se jeter dans le fanatisme, comme bien des gens le faisaient alors. Toutefois on savait bien que Cromwell, quelles que fussent ses opinions religieuses, ne s’y conformait pas toujours pour choisir ses favoris, mais accordait sa confiance à tous ceux qui pouvaient le servir, quand bien ils sortaient, pour employer les expressions du temps, des ténèbres de l’Égypte. Éverard père avait une grande réputation de sagesse et de loyauté ; de plus, appartenant à une bonne famille et maître d’une belle fortune, son adhésion devait donner de la considération à la cause qu’il lui plairait d’épouser. Ensuite son fils avait été un soldat heureux et distingué, remarquable par la discipline qu’il maintenait parmi les gens sous ses ordres, pour la bravoure qu’il déployait dans l’action, et l’humanité dont il était toujours prêt à user lorsqu’il était victorieux. Il importait de ménager de tels hommes, quand tout annonçait que le parti qui était parvenu à amener la déposition et la mort du roi allait, sous peu, se diviser pour se partager les dépouilles. Les deux Éverard étaient donc dans les bonnes grâces de Cromwel, et leur influence sur le Protecteur passait pour si grande que M. le secrétaire Fidèle Tomkins ne se souciait pas de s’attirer une mauvaise affaire en fâchant le colonel Éverard pour une bagatelle, en lui refusant l’hospitalité pour une nuit.

Jocelin, de son côté, fit preuve de zèle. Il doubla le nombre des