Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/79

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dont les feuilles sombres, les branches noueuses et les vieux troncs en étaient plus ou moins argentés, eussent sans aucun doute attiré l’attention d’un poète ou d’un peintre.

Mais sir Éverard pensait à autre chose qu’à la pénible scène où il venait de jouer un rôle si actif, et dont le résultat semblait renverser toutes ses espérances ; c’était aux précautions à prendre dans son voyage nocturne. Les temps étaient dangereux et favorables au désordre, les routes pleines de soldats débandés, et principalement de royalistes qui faisaient de leurs opinions politiques un prétexte pour troubler le pays par des maraudes et des brigandages : des braconniers, qui furent toujours de redoutables bandits, infestaient aussi depuis peu le voisinage de Woodstock. Enfin le temps et le lieu étaient si dangereux, que Markham Éverard portait ses pistolets chargés à sa ceinture, et tenait son épée nue sous son bras, pour être prêt à repousser toute attaque qui pouvait le surprendre dans sa route.

Il entendit les cloches de l’église de Woodstock sonner le couvre-feu, au moment où il traversait une de ces petites prairies dont nous avons parlé, et elles cessèrent lorsqu’il arriva dans un endroit où le sentier redevenait sombre et noir. En cet instant il entendit siffler, et comme le son paraissait s’approcher de plus en plus de lui, il reconnut bientôt qu’on venait de son côté ; il n’était guère probable que ce fût un ami, car le parti auquel il appartenait proscrivait, généralement parlant, toute musique autre que la psalmodie. « Si un homme est joyeux, qu’il chante des psaumes, » était un texte qu’ils se plaisaient à interpréter aussi littéralement que plusieurs autres. Mais le sifflement qui continuait toujours ne pouvait non plus servir de signal à des complices de nuit : il était trop fort et trop joyeux pour indiquer de mauvaises intentions de la part du voyageur qui, cessant alors de siffler, se mit à chanter, et entonna le couplet suivant sur un air vif et gai que les vieux Cavaliers chantaient d’ordinaire la nuit pour réveiller les hiboux :

Aux Cavaliers, salut ! salut !
Prions pour eux, ran tan plan ; bombe !
Attaquons le vieux Belzébuth ;
De peur, Olivier fume et tombe.

« Je connais cette voix, » se dit Éverard, désarmant le pistolet qu’il avait détaché de sa ceinture, mais qu’il tenait toujours à la main. Alors la chanson continua :

Coupez-les, taillez-les, mordieu !