Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/75

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— Si c’est pour vous défendre, répondit le vieux chevalier, à Dieu ne plaise que je refuse de vous écouter patiemment… Oui, quand même les deux tiers de votre justification seraient de déloyauté et l’autre de blasphème… Seulement soyez bref… cet entretien n’a déjà duré que trop long-temps. — Soit, sir Henri ; quoique cependant il soit difficile de réunir en quelques phrases la défense d’une vie qui, déjà de peu de durée, a été néanmoins fort occupée… trop occupée, dois-je dire, d’après votre geste d’indignation. Mais, je le nie ; je n’ai tiré mon épée ni trop précipitamment ni sans réflexion pour un peuple dont les droits avaient été foulés aux pieds, et les consciences opprimées. Ne froncez pas le sourcil, monsieur. Si ce n’est pas votre manière d’envisager cette contestation, c’est la mienne. Quant à mes principes religieux pour lesquels vous m’avez raillé, croyez-m’en, s’ils dépendent moins des formes extérieures, ils ne sont pas moins sincères que les vôtres ; ils sont même plus purs peut-être (excusez l’expression), en ce qu’ils ne sont pas souillés des rites sanguinaires d’un siècle barbare que vous et les vôtres avez appelé le code de l’honneur chevaleresque. Ce n’est point mon propre caractère, mais la doctrine meilleure que ma croyance m’enseigne, qui m’a donné la force d’écouter vos durs reproches sans répondre sur un pareil ton de colère et d’injure. Vous pouvez pousser jusqu’au bout l’insulte contre moi, suivant votre bon plaisir… non seulement à cause de notre parenté, mais encore parce que la charité m’ordonne de les souffrir ; et c’est beaucoup, sir Henri, pour un fils de notre maison. Mais c’est encore avec plus de patience qu’il n’en faut pour vous entendre, que je refuse de vos mains le don que de tous les biens de ce monde je désirerais le plus obtenir, que je refuse, dis-je, parce que son devoir lui ordonne de vous soutenir et de vous consoler, parce qu’il y aurait péché à vous permettre, dans votre aveuglement, d’éloigner de vous votre plus solide soutien. Adieu, monsieur… sans colère, mais avec compassion… Nous pourrons nous retrouver dans un temps meilleur, quand votre cœur et vos principes l’auront emporté sur les malheureux préjugés qui les égarent. À présent, adieu… adieu, Alice ! »

Ces derniers mots furent répétés deux fois, avec un accent d’émotion et de douleur qui contrastait singulièrement avec le ton ferme et sévère qu’il avait pris en parlant à sir Henri Lee. Il se détourna et sortit de la hutte dès qu’il eut prononcé ces derniers mots ; et, comme honteux de la tendresse qu’il venait de laisser