Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vos instants ont été consacrés au service du roi et du royaume, et à élever des enfants aussi loyaux que leurs ancêtres. Une aussi belle famille, sur ma foi, est un beau spectacle pour les yeux d’un roi d’Angleterre. Colonel Éverard, nous nous verrons, j’espère, à Whitehall. » Il fit un signe de tête à Wildrake. « Et toi, Jocelin, continua-t-il, tu peux tenir ton bâton d’une seule main, j’en suis sûr… Avance l’autre. »

Baissant les yeux avec une respectueuse timidité, Jocelin, semblable à un taureau qui avance ses cornes, présenta au roi, par-dessus l’épaule de sa femme, une main aussi large et aussi dure qu’une assiette de bois, que le roi remplit de pièces d’or. Achète avec quelques unes de ces pièces un bonnet à mon amie Phœbé, lui dit Charles ; elle s’est aussi acquittée de ses devoirs envers la vieille Angleterre. »

Le roi revint alors au vieux chevalier qui paraissait faire un effort pour parler. Il prit sa main décharnée dans les deux siennes, baissa la tête vers lui, afin de mieux l’entendre, pendant que le vieillard, le tenant de l’autre main, répétait d’une voix tremblante quelques mots, au milieu desquels Charles ne put saisir que cette citation :

De la rébellion dispersez la cohue,
Et que la chaste foi reste la bienvenue.

Se dérobant enfin aussi doucement que possible à une scène qui commençait à devenir pénible et embarrassante, le bon prince, d’une voix plus distincte qu’il ne lui était ordinaire, afin de se faire entendre du vieux chevalier, lui dit : « Nous sommes entourés de trop de monde pour causer librement de tout ce que nous avons à nous dire ; mais si vous ne venez pas bientôt visiter le roi Charles à Whitehall, il vous enverra Kerneguy, afin que vous vous assuriez par vous-même combien il est devenu raisonnable depuis ses voyages. »

Il pressa encore une fois affectueusement la main du vieux chevalier, salua Alice et ceux qui l’entouraient, et se retira. Sir Henri Lee l’écoutait avec un sourire qui montrait qu’il avait compris le sens des paroles gracieuses du monarque. Le vieillard s’appuya sur le dos de sa chaise, et dit tout bas le nunc dimittis.

« Excusez-moi de vous avoir fait attendre, milords, » dit le roi en remontante cheval ; « sans ces braves gens, vous auriez pu m’attendre encore beaucoup plus long-temps… En avant, messieurs. »

Le cortège se remit en marche ; le bruit des trompettes et des tam-