Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au moment où ils quittaient l’appartement, le vieux chevalier laissa doucement tomber ses mains en terminant cette prière fervente, et sa tête s’inclina en même temps sur sa poitrine. Son fils n’osa pas interrompre sa méditation, cependant il craignait qu’il ne pût résister à de pareilles émotions, et qu’il ne perdît connaissance. Enfin, il hasarda d’approcher, et même de le toucher. Le vieux chevalier se leva aussitôt sur ses pieds, et se montra le même conseiller actif, sage et prévoyant qu’il était auparavant.

« Vous avez raison, mon fils, nous devons agir et nous tenir en garde. Ils mentent, ces perfides Têtes-rondes, quand ils le traitent de dissolu et de pervers. Il a les sentiments qui conviennent au fils du saint martyr. Vous voyez même que, dans un cas aussi dangereux que celui-ci, il eût exposé sa vie plutôt que d’accepter les services d’Alice, quand cette folle paraissait hésiter à le suivre. Le libertinage est toujours égoïste, et ne tient pas compte des sentiments d’autrui. Mais as-tu tiré les verroux et mis les barres de fer après eux ; car il m’a été impossible de les voir sortir. — Je les ai conduits à la petite poterne, dit le colonel, et à mon retour, je croyais que vous vous trouviez mal. — C’était de la joie, de la joie, rien que de la joie, Albert : je ne puis permettre à un doute de pénétrer dans mon esprit : Dieu n’abandonnera pas le descendant de cent rois, et l’héritier légitime ne sera pas livré aux voleurs. Une larme brillait dans ses yeux au moment où il a pris congé de moi. Ne mourrais-tu pas volontiers pour lui, mon fils ? — Si je perds la vie pour lui cette nuit, répondit Albert, mon seul regret sera de ne pouvoir apprendre demain qu’il a été assez heureux pour échapper. — Bien. Maintenant, mettons-nous en besogne. Penses-tu connaître assez bien ses manières, revêtu, comme tu l’es, de ses habits, pour faire croire aux femmes que tu es le page Kerneguy ? — Hum ! il n’est pas aisé de jouer le personnage du roi, surtout près des femmes ; mais il y a peu de lumières en bas, et je puis essayer. — Oui, sur-le-champ, reprit son père, car les coquins seront ici dans un moment. »

Albert sortit donc, et le chevalier continua : « Si les femmes sont réellement convaincues que Kerneguy est toujours ici, cela donnera une nouvelle force à mon projet ; les bassets suivront une fausse trace, et le cerf royal sera en sûreté dans sa retraite avant qu’ils se soient remis sur sa piste. Alors, je les ferai courir de cachette en cachette !… bah ! le soleil sera levé avant qu’ils en aient visité la moitié… oui, je jouerai avec eux à cache-cache, je met-