Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/40

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si tu as pour père un vieux cavalier profane, tu es aussi la nièce de ton oncle Éverard ? — Si vous parlez ainsi, mon cher père, que puis-je vous répondre ? Écoutez-moi patiemment une seule minute, et je me serai acquittée de la commission de mon oncle. — Oh ! il y a donc une commission ! à coup sûr je m’en doutais dès le commencement… Oui, j’avais aussi quelque petite idée d’un ambassadeur. — Eh bien ! mon père, mon oncle Éverard désire que vous accueilliez bien les commissaires qui viennent ici s’emparer du parc et du domaine, ou du moins que vous tâchiez de n’y mettre ni obstacle ni opposition. La résistance, dit-il, même dans vos principes, ne ferait aucun bien, et fournirait un prétexte pour agir contre vous comme à l’égard du plus grand coupable, malheur qu’on peut aisément empêcher. Bien plus, il espère que, si vous suivez ses conseils, le comité pourra, grâce à son crédit, consentir à lever le séquestre mis sur vos biens, moyennant une légère amende ; voici l’avis de mon oncle. Maintenant que je vous l’ai communiqué, je n’ai plus besoin de lasser votre patience par d’autres arguments. — Et tu as grandement raison, Alice, » répondit sir Henri Lee avec un ton de colère mal déguisé ; « car, par la sainte Croix ! tu m’as rendu presque assez hérétique pour croire que tu n’es pas ma fille… Ah ! ma compagne chérie, qui es délivrée maintenant des soucis et des chagrins de ce pauvre monde, as-tu jamais pensé que la fille que tu portas dans ton sein deviendrait, comme la misérable femme de Job, tentatrice de son père à l’heure de l’affliction ? lui conseillerait de faire céder sa conscience à son intérêt, et de redemander en mendiant, des mains sanglantes de son maître, et peut-être des meurtriers de son fils, les misérables restes des domaines qu’on lui a volés ? malheureuse ! s’il me faut mendier, crois-tu que j’implorerai l’assistance de ceux qui m’ont réduit à cet état ? Non : je ne montrerai jamais ma barbe blanche, que je porte en signe de deuil depuis la mort de mon souverain, pour émouvoir la pitié de quelque fier dilapidateur qui fut peut-être un des parricides. Non. Si Henri Lee doit tendre la main, il la tendra à des sujets aussi loyaux que lui, et n’eussent-ils de reste qu’un demi-pain, ils ne refuseront pas de le partager avec lui. Quant à ma fille, elle peut agir comme elle l’entendra, demander asile à ses riches parents tête-rondes ; mais qu’elle n’appelle plus son père celui avec qui elle a refusé de partager une honnête indigence !… — Vous êtes injuste envers moi, mon père, » répondit la jeune fille d’une voix tremblante mais animée ; « cruellement in-