Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/391

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sais après tout qu’il a de bon sang dans les veines, et je veux bien descendre faire un tour avec lui dans la cour, eût-il été dix fois brasseur. — Je traite une pareille conduite, l’ami, avec tout le mépris qu’elle mérite. Mais si tu as quelque chose à dire sur le sujet en question, parle comme un homme, quoique tu aies plutôt l’air d’une bête. — Tout ce que j’ai à dire, c’est que, tandis que vous blâmez Éverard d’avoir mis à exécution votre mandat, je puis vous affirmer qu’il ne connaissait pas un mot des lâches conditions que vous lui aviez imposées. J’ai pris mes précautions, et vous pouvez vous en venger sur moi, si bon vous semble. — Esclave ! oses-tu me parler ainsi ? » dit Cromwell réprimant encore avec soin sa colère, qui était prête à se déborder sur un objet qui en était si peu digne.

« Oui, vous rendrez chaque Anglais esclave, si vous continuez ainsi, » ajouta Wildrake sans se déconcerter ; car la frayeur qui s’était autrefois emparée de ses sens lorsqu’il se trouva seul avec cet homme remarquable, s’était entièrement dissipée alors qu’il s’expliquait devant témoins. — Mais faites le méchant à votre aise, maître Olivier ; je vous en préviens, l’oiseau vous a échappé. — Tu n’oserais le dire, échappé !… Holà ! ho ! Pearson ! commandez aux soldats de monter sur-le-champ à cheval… Tu es un coquin de menteur ! Échappé !… D’où et par où ? — Ah ! c’est là la question ; car voyez-vous, monsieur… Qu’on parte d’un endroit, c’est certain… Mais où va-t-on ? dans quelle direction ? »

Cromwell demeura immobile d’attention, s’attendant à ce que l’impétuosité irréfléchie du Cavalier laisserait échapper quelques demi-mots utiles sur la route que le roi pouvait avoir prise.

« Et dans quelle direction, comme je disais… Ma foi, Votre Excellence, maître Olivier, devra la chercher elle-même. »

En prononçant ces dernières paroles, il dégaina sa rapière, et en porta une botte terrible au général. Si son épée n’eût pas rencontré d’autre obstacle que le justaucorps de buffle, c’en était fait de Cromwell. Mais, dans la crainte qu’on n’attentât à ses jours, le général portait sous son uniforme militaire une cotte de mailles extrêmement fine, faite d’anneaux du meilleur acier, et si légère, si flexible, qu’elle ne gênait aucunement les mouvements de celui qui la portait. Elle lui sauva la vie en cette occasion, car la rapière se brisa, et Wildrake entraîné en arrière par Éverard et Holdenough, jeta avec colère la poignée contre terre, en s’écriant : « Damnée soit la main qui t’a forgée !… M’avoir servi si long-temps,