Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/389

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non avec des yeux d’anges. De faux messagers, a dit le révérend ministre ; oui, vraiment, le monde en est plein : vous les verrez s’en allant porter votre message secret à la maison de votre plus mortel ennemi, et lui dire : « Holà ! mon maître s’approche avec une faible escorte, par tels et tels endroits déserts ; apprêtez-vous donc à tomber sur lui et à le tuer. » Et un autre, qui sait où l’ennemi de votre maison, l’ennemi à mort de votre personne est couché, au lieu d’indiquer la cachette à son maître, s’en va porter des nouvelles jusqu’au lieu où cet ennemi s’est réfugié, disant : « Holà ! mon maître connaît votre secret asile… levez-vous à l’instant, et fuyez de peur qu’il ne s’élance sur vous comme un lion sur sa proie. » Mais tout cela restera-t-il impuni ? » ajouta Cromwell en lançant à Wildrake un regard significatif. « Eh bien ! aussi vrai que vit mon âme, et que vit celui qui m’a établi chef dans Israël, ces faux messagers seront pendus aux gibets sur le bord du chemin, et leur main droite sera étendue pour montrer à d’autres la route dont ils se sont écartés. — À coup sûr, dit maître Holdenough, c’est justice de mettre à mort de tels malfaiteurs. — Merci, Mass John, pensa Wildrake ; quand les presbytériens ont-ils manqué à tendre la main au diable ? — Mais je dis, continua Holdenough, que cette affaire est étrangère à notre sujet ; car les faux frères dont je parlais sont… — À merveille, mon excellent monsieur ; sont de notre maison, répondit Cromwell : le digne homme a encore une fois raison… Ah ! de qui pouvons-nous dire aujourd’hui qu’il est un véritable frère, quoiqu’il ait reposé sur le même sein que nous ? quoique nous ayons combattu pour la même cause, mangé à la même table, assisté à la même bataille, adoré le même trône, il n’y aura point de vérité en lui… Ah ! Markham Éverard ! Markham Éverard ! »

Il s’arrêta après cette exclamation, et Éverard, impatient de connaître tout ce qu’il savait, répliqua : « Votre Excellence semble avoir sur le cœur quelque chose où il s’agit de moi. Puis-je vous prier de parler clairement, pour que je sache ce dont on m’accuse ? — Ah ! Mark, Mark, répondit le général, un accusateur n’a pas besoin de parler quand la conscience le fait à sa place. Ton front n’est-il pas mouillé de sueur, Mark Éverard ?… n’y a-t-il pas du trouble dans tes yeux ?… n’y a-t-il pas un tremblement dans tout ton corps ? et vit-on jamais pareilles choses chez le noble et ferme Markham Éverard, dont le front ne suait jadis et encore à peine, qu’après avoir porté le casque pendant tout un jour d’été ?