Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/387

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phase ; nous aurait-il trahis ?… Non, non, son intérêt l’en empêche ; nous le trouverons tout à l’heure. Écoute ici. »

Tant que dura cette conversation, le lecteur peut s’imaginer la frayeur d’Éverard ; il était certain que la présence de Cromwell en personne devait avoir un motif important, et il lui était impossible de ne pas soupçonner fortement que le général n’eût reçu quelque avis du lieu où Charles était caché. Si on le saisissait, on avait à craindre une seconde représentation de la tragédie du 30 janvier ; et la ruine de toute la famille Lee, dont il faisait lui-même partie, devait en être la conséquence nécessaire.

Il tâchait de se rassurer en regardant Wildrake, dont la physionomie décelait une vive crainte qu’il s’efforçait de cacher en prenant un air de calme ordinaire ; mais le poids qui pesait sur son cœur était trop lourd : il remuait les pieds, tournait les yeux, se tordait les mains, comme un témoin qui n’est nullement rassuré.

Cependant Olivier ne laissa point à ses hôtes une minute de loisir pour prendre conseil les uns des autres : même pendant que son éloquence embarrassée coulait comme un ruisseau dont le cours est si incertain qu’il est impossible de découvrir dans quelle direction il se prolonge, son œil vif, aux aguets, rendait tous les efforts d’Éverard pour communiquer avec Wildrake, même par signes, absolument impossibles. Éverard, à la vérité, regarda un instant la fenêtre, puis lança un coup d’œil à Wildrake, comme pour lui demander si on ne pouvait point s’échapper par là ; mais le Cavalier avait répondu non par un signe de tête si faible, qu’il était presque imperceptible. Éverard perdit donc tout espoir, et la triste persuasion d’un malheur prochain et inévitable était encore augmentée par l’inquiétude qu’il ressentait de savoir comment ce malheur arriverait.

Mais Wildrake avait encore une lueur d’espérance : au moment où Cromwell était entré, il était sorti de l’appartement, et avait été jusqu’à la porte de la rue. Mais les mots : « Arrière ! arrière ! » répétés par deux sentinelles armées, le confirmèrent dans l’opinion que ses craintes lui avaient déjà fait pressentir, que le général n’était venu ni sans escorte ni sans dessein. Il revint alors sur ses pas, remonta l’escalier, et rencontrant sur le palier le jeune garçon qu’il appelait Spitfire, l’entraîna dans la petite chambre qu’il occupait. Wildrake était allé le matin à la chasse, et le gibier était encore étendu sur la table ; il arracha une plume de l’aile d’une bé-