Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/382

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puisse cet esprit ne jamais me visiter !… quand il me montra comment il fallait m’y prendre pour effrayer son maître, que pouvais-je penser ?… J’espère seulement que le docteur ne lui aura rien communiqué du grand secret… Mais nous voilà arrivés à la Loge… Va-t’en à ta chambre, Phœbé, et remets-toi ; il faut que je trouve le docteur Rochecliffe, il parle toujours de ses habiles et promptes inventions… Voici, je pense, l’occasion de s’exécuter.

Phœbé se rendit donc à sa chambre ; mais la force que lui avait donnée l’imminence du péril disparaissant avec le danger, elle tomba bientôt dans des accès nerveux qui demandèrent l’attention constante de dame Jellicot, et les soins moins inquiets, mais plus judicieux de miss Alice.

Le sous-garde porta la nouvelle au politique docteur, qui fut extrêmement déconcerté, effrayé, et fâché même contre Jocelin, parce qu’il avait tué un homme sur les communications duquel il avait pris l’habitude de compter. Cependant à le voir, on aurait dit qu’il se demandait intérieurement s’il n’avait pas placé trop témérairement sa confiance… soupçon qui l’accablait d’une inquiétude d’autant plus vive, qu’il ne voulait pas l’avouer ; car c’eût été faire mentir la réputation d’adresse dont il se vantait.

Cependant la confiance du docteur en la fidélité de Tomkins paraissait bien fondée. Avant les guerres civiles, comme on a déjà pu s’en faire une idée par tout ce que nous avons dit, Tomkins, sous son véritable nom d’Hazeldine, avait été sous la protection du recteur de Woodstock ; il lui servait à l’occasion de clerc, était un membre distingué de son chœur, et, en sa qualité de gaillard vigoureux et expérimenté, il avait eu l’honneur d’aider le docteur Rochecliffe dans ses recherches d’antiquités. Lorsqu’il suivit la bannière du parti opposé pendant la guerre civile, il continua encore ses intelligences avec le ministre, auquel il procurait de temps à autre des renseignements qui lui semblaient précieux. Son assistance avait été dernièrement d’une grande utilité pour aider le docteur, avec le secours de Jocelin et de Phœbé, à concevoir et exécuter les différents expédients au moyen desquels les commissaires du parlement avaient été expulsés de Woodstock. À la vérité, ses services en cette occasion avaient paru dignes d’une non moins grande récompense que celle qu’on lui avait promise, et qui consistait en toute la vaisselle qui restait à la Loge. Le docteur en avouant donc que c’était un méchant homme, le regrettait comme un agent utile, dont la mort, si on venait à en rechercher la cause, pouvait mettre