Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/379

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m’en procurer davantage. J’ai le droit de m’en procurer de toute main et par tous moyens : la terre est à moi avec tous ses biens. Désires-tu ce pouvoir… Duquel de ces misérables commissaires convoites-tu les biens… je me les procurerai pour toi, car j’habite avec un esprit plus puissant qu’aucun d’eux ; et ce n’est pas sans motif que j’ai aidé le malveillant Rochecliffe et l’imbécile Joliffe à les effrayer et à les abuser comme ils ont fait. Demande-moi ce que tu voudras, Phœbé ; je puis te le donner ou je puis me le procurer pour toi. Entre donc avec moi dans une vie de délices en ce monde, qui ne sera qu’une anticipation des joies qui nous sont réservées en paradis. »

Ce fanatique débauché essaya de nouveau d’attirer à lui la jeune fille. Celle-ci alarmée, mais ne perdant pas sa présence d’esprit, tâchait, par ses prières les plus pressantes, de le décider à la lâcher. Mais sa figure, naturellement insignifiante, avait pris une expression terrible, et il s’écria : « Non, Phœbé, ne pense pas m’échapper ; tu m’as été donnée comme une captive ; tu as négligé l’heure de grâce ; elle est passée. Vois, l’eau se répand par dessus les bords de la cruche. Tu sais quelle doit en être la conséquence… Ainsi je ne serai pas plus pressant en paroles, tu n’en es pas digne, mais je te traiterai comme celle qui refuse la grâce qui lui était offerte. — Maître Tomkins, » dit Phœbé d’une voix suppliante, « considérez, au nom de Dieu ! que je suis une orpheline. Ne m’outragez pas. Ce serait une honte pour un homme de votre force et de votre caractère. Je n’entends rien à vos belles paroles. Demain j’y réfléchirai. » Alors sa colère s’enflammant, elle ajouta avec plus de véhémence : « Je ne veux point être maltraitée ; retirez-vous, ou vous vous en repentirez… » Mais, comme il la prenait avec une violence dont le but n’était que trop évident, et qu’il s’efforçait de s’emparer de sa main droite, elle s’écria : « Recevez cela, et… » En même temps, elle lui porta de toutes ses forces un coup au visage avec le caillou dont elle n’avait l’intention de se servir qu’à la dernière extrémité.

Le fanatique la lâcha et chancela en arrière à demi étourdi. Alors, Phœbé prit la fuite, appelant au secours tout en se sauvant, mais conservant toujours à la main le caillou qui l’avait sauvée. Tomkins, furieux du coup qu’elle venait de lui porter, la poursuivit ; les plus noires passions bouleversaient son âme et ses traits, et, de plus, il craignait que sa brutalité ne fût découverte. Il cria à Phœbé de s’arrêter, et il eut la lâcheté de la menacer d’un de ses pistolets si elle continuait de fuir. Elle ne tint pas compte de sa menace, et il