Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne manquait pas de lui proposer de prendre les fleurets ; il lui arrivait toujours, après un combat plus ou moins long, d’être victorieux. Aussi, en considération de tant de triomphes, le bon sir Henri lui avait pardonné ses péchés de rébellion et de puritanisme. Si ses pas lents et mesurés se faisaient entendre dans les corridors voisins de la galerie, le docteur Rochecliffe, quoique ne le laissant jamais pénétrer dans son cabinet particulier, s’empressait d’aller trouver maître Tomkins dans quelque appartement intermédiaire, et là il s’engageait entre eux de longues conversations qui paraissaient les intéresser vivement tous deux.

L’indépendant était aussi bien accueilli au rez-de-chaussée que dans les étages supérieurs. Jocelin lui témoignait la plus franche cordialité ; le pâté et la bouteille étaient mis sur-le-champ en réquisition, et la bonne chère était leur mot d’ordre. Sur ce dernier point on peut faire observer que le château de Woodstock était abondamment pourvu depuis le retour du docteur Rochecliffe, qui, en sa qualité d’agent d’un grand nombre de royalistes, avait à sa disposition des sommes assez considérables. Il est probable que fidèle Tomkins avait aussi quelque part à ces fonds secrets.

Quand il s’abandonnait à ce qu’il appelait une fragilité charnelle (pour laquelle, disait-il, il avait obtenu une dispense), qui n’était après tout qu’un goût très prononcé pour les liqueurs fortes, sa langue, ordinairement d’une réserve et d’une chasteté remarquables, devenait aussi animée que licencieuse. Quelquefois il parlait avec l’onction d’un vieux débauché, de ses anciens exploits, tels que le vol d’un daim dans la forêt, le pillage d’un verger, des folies d’ivrognes, des batteries à mort auxquelles il avait pris part dans sa jeunesse. Il chantait des chansons bachiques et amoureuses, et racontait quelquefois des aventures qui chassaient Phœbé May-Flower de sa chambre, et qui produisaient même un tel effet sur dame Jellicot, malgré sa surdité, que la pauvre vieille était réduite à quitter l’office où Tomkins racontait tous ces récits scandaleux.

Au milieu de ces discours extravagants, Tomkins deux ou trois fois s’était interrompu tout-à-coup pour entamer des conversations religieuses. Il parlait mystérieusement, mais d’un ton animé et avec une éloquence entraînante, des bienheureux saints, qui, disait-il, étaient réellement saints, des hommes qui avaient pris d’assaut le fort où était déposé le trésor céleste, et s’étaient emparés de ses joyaux les plus précieux. Il parlait de toutes les autres sectes avec le plus profond mépris ; suivant lui, elles se querellaient