Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/360

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mes paroles, elles sont telles que, prises dans leur vrai sens, elles ne peuvent vous offenser. Je vous dis, je le dis à tous ceux qui sont ici présents… je dis à ce gentilhomme, qui doit bien comprendre le sens de mon langage, que sa vie et sa sûreté sont ou doivent être à mes yeux d’une plus grande valeur que celles de tout autre homme du royaume, même du monde entier. »

Elle prononça ces mots d’un ton ferme et décidé pour mettre fin à toute discussion. Charles s’inclina lentement et avec dignité, mais demeura muet. Éverard, le visage agité par les émotions que son orgueil lui permettait à peine de cacher, s’avança vers son antagoniste, et dit d’une voix qu’il essaya vainement de rendre ferme : « Monsieur, vous avez entendu la déclaration de mademoiselle ; et avec les sentiments de reconnaissance tels, sans doute, que le cas l’exige, son pauvre cousin, son indigne amant, ose vous céder les droits qu’il avait acquis sur son cœur ; et comme je ne veux lui causer le moindre chagrin, j’espère que vous ne penserez pas que j’agis indignement en rétractant le billet qui vous a fait prendre la peine de venir en ce lieu, à cette heure… Adieu, » dit-il en se tournant vers Alice, « adieu, Alice, une fois encore et pour toujours ! »

La pauvre jeune fille, que son courage avait abandonnée en cette circonstance, s’efforça de répéter le mot adieu, mais ne pouvant y parvenir, elle fit entendre seulement un son interrompu et imparfait, et serait tombée à terre, sans le docteur Rochecliffe qui la reçut dans ses bras. Roger Wildrake aussi, qui avait porté deux à trois fois à ses yeux les restes d’un mouchoir, intéressé par la douleur évidente de la jeune miss, quoique incapable d’en comprendre la cause mystérieuse, se hâta d aider le ministre à soutenir un si précieux fardeau.

Cependant le prince déguisé avait tout vu en silence, mais avec une agitation qui ne lui était pas habituelle, et que ses traits basanés, encore plus ses mouvements, commençaient à trahir. Il demeura d’abord dans une immobilité complète, les bras croisés sur la poitrine, comme un homme prêt à suivre le cours des événements. Bientôt après il changea de posture, avança et retira le pied, ferma et ouvrit la main, comme un homme en qui luttent des sentiments opposés, et qui hésite avant de prendre une détermination.

Mais quand il vit Markham Éverard, après avoir lancé sur Alice un regard de douleur inexprimable, se détourner pour partir, il laissa échapper son exclamation familière : « Ventrebleu ! il n’en sera pas ainsi. » En trois enjambées il rejoignit Éverard, qui s’é-