Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/358

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neur serait une infamie qui retomberait sur bien des gens. Je ne peux fuir M. Éverard : ce serait trop honteux. S’il persiste dans son cartel, il faut que nous terminions notre affaire selon l’usage ; s’il le retire ou le révoque, je ne serai point, pour ma part, trop pointilleux. Je ne demanderai même pas d’excuse pour la peine que cette affaire m’a donnée ; mais je laisserai tout s’arranger comme si ce n’était que la suite d’une malheureuse méprise, dont je n’irai pas de mon côté rechercher l’origine. Cela, je le ferai pour l’amour de vous, et pour un homme d’honneur vous devez sentir le prix d’une telle condescendance. Vous savez que cette condescendance, pour nous surtout, est vraiment grande. Ne m’appelez donc pas égoïste, ingrat, méchant, puisque je suis prêt à faire tout ce que peut un homme, et plus peut-être que ne le devrait un homme d’honneur. — Entendez-vous, Markham Éverard ? dit Alice. Cette terrible alternative est mise entièrement à votre disposition : vous étiez ordinairement modéré dans vos passions, religieux, prompt à pardonner… allez-vous, pour une pure bagatelle, pousser cette querelle privée et anti-chrétienne jusqu’à une sanglante extrémité ? Croyez-moi, si, violant aujourd’hui toutes les meilleures règles de conduite, vous abandonnez les rênes à vos passions, les conséquences peuvent être telles, que vous vous en repentiez toute votre vie, et même, si le ciel n’a point de pitié, après votre mort. »

Markham Éverard garda un instant un sombre silence, les yeux fixés sur la terre ; enfin il les releva, et lui répondit :

« Alice, vous êtes fille d’un soldat, sœur d’un soldat : tous vos parents, sans même en excepter un qui vous inspirait jadis quelque intérêt, se sont faits soldats à cause de ces malheureuses discordes ; de plus, vous les avez vus se mettre en campagne… quelquefois pour servir des causes différentes, selon que leurs principes leur marquaient leurs devoirs, sans manifester pour eux un aussi vif intérêt. Répondez-moi… votre réponse réglera ma conduite. Ce jeune homme, que vous connaissez depuis si peu de temps, a-t-il déjà plus de prix à vos yeux que ces chers parents, père, frère et cousin, qu’en comparaison de lui vous avez vus avec indifférence marcher au combat ? Dites oui, cela me suffira. Je m’éloignerai d’ici pour ne jamais vous revoir, ni vous ni mon pays. — Arrêtez, Markham, arrêtez ; et croyez-moi, quand je dis que si je réponds affirmativement à votre question, c’est parce que la sûreté de maître Kerneguy est plus importante, beaucoup plus que celle de toutes les personnes que vous avez nommées. — Vraiment ! Je ne croyais