Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait, triompher d’elle, qu’il sut à peine dans quels sentiments elle était pour lui.

« Vous restez muette, charmante Alice ; le roi ne peut-il pas plus sur vous que le pauvre page écossais ? — Dans un sens il peut tout, lui répondit Alice ; car mes meilleures pensées, mes meilleurs souhaits, mes plus ardentes prières sont toutes pour son bonheur. Les femmes de Lee prouveraient leur loyal dévouement en versant leur sang, comme les hommes témoignent le leur en tirant l’épée pour son service. Mais à part les devoirs d’une loyale et dévouée sujette, le roi est encore moins pour Alice Lee que le pauvre Louis Kerneguy. Le page aurait pu proposer une union honorable… le monarque ne peut offrir, lui, qu’une couronne souillée. — Vous êtes dans l’erreur, Alice… Asseyez-vous, et laissez-moi vous parler… asseyez-vous… Quelle est votre crainte ? — Je ne crains rien, milord, que puis-]e craindre du roi de la Grande-Bretagne… moi, fille de son loyal sujet, et sous le toit de mon père ? Mais je me rappelle la distance qui nous sépare ; et, quoique j’aie pu rire et plaisanter avec mon égal, je dois prendre devant mon roi la simple attitude d’une respectueuse sujette, à moins que sa sûreté n’exige que je paraisse méconnaître sa dignité. »

Charles, quoique jeune, était peu novice en de pareilles scènes ; mais il fut surpris de rencontrer une résistance qu’on ne lui avait jamais opposée en semblables occasions, même dans les cas où il n’avait pas réussi. Il n’y avait ni colère, ni orgueil blessé, ni confusion, ni dédain réel ou affecté, dans les manières et dans la conduite d’Alice. Elle était, ce semble, de sang-froid préparée à discuter un point qui est généralement décidé par la passion, ne montrait aucun désir de s’échapper de l’appartement, mais paraissait résolue à écouter avec patience les déclarations de l’amant ; et son visage ainsi que ses manières annonçaient qu’elle avait cette complaisance par pure déférence pour les ordres du roi.

« Elle est ambitieuse, pensa Charles ; c’est en éblouissant son amour de la gloire, et non simplement par des instances passionnées, que je puis espérer de réussir… Asseyez-vous, je vous prie, ma belle Alice, c’est un amant qui vous en conjure et le roi qui vous le commande… — Le roi, lui répondit Alice, peut permettre qu’on néglige le cérémonial dû à la royauté ; mais il ne peut abroger le devoir d’un sujet, même par un ordre exprès. Je demeure ici ; tant qu’il plaira à Votre Majesté de me parler, je l’écouterai patiemment, ainsi que mon devoir l’exige. — Sachez donc, simple fille,