Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/327

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du moins par reconnaissance pour la protection que, sans eux, vous n’auriez pas aisément trouvée ailleurs. — Alors, dit la jeune servante, il faut donc que j’aille chercher des gens qui aient plus d’influence que moi sur vous. » À ces mots Phœbé partit comme l’éclair, tandis que Kerneguy répondait à Éverard avec le même ton insultant d’une calme indifférence.

« Avant de me menacer d’une chose aussi terrible que votre ressentiment, vous devriez vous être assuré d’abord que les circonstances ne peuvent me contraindre à vous refuser l’occasion dont vous semblez vouloir parler. »

En ce moment Alice, avertie sans doute par sa femme de chambre, entra d’un pas précipité dans le vestibule.

« Maître Kerneguy, lui dit-elle, mon père vous demande dans l’appartement de Victor Lee… »

Kerneguy se leva et salua, mais parut déterminé à attendre le départ d’Éverard, pour empêcher toute explication entre le cousin et la cousine.

« Markham, » dit Alice à la hâte, « cousin Éverard, je n’ai qu’un instant à rester avec vous. Pour l’amour de Dieu, partez à l’instant ! Soyez prudent et patient… mais ne demeurez pas ici, mon père est terriblement courroucé. — C’est ce que mon oncle m’a déjà dit, mademoiselle ; il m’a même ordonné de partir, et j’obéirai sans délai. Je ne pensais pas que vous viendriez me répéter, et si volontiers, un ordre aussi sévère ; mais je sors, mademoiselle, car je vois bien que je laisse ici des gens dont la société est plus agréable que la mienne. — Injuste ! méchant ! ingrat ! » dit Alice ; mais craignant que ces paroles fussent entendues de personnes étrangères, elle les prononça d’une voix si faible que son cousin, à qui elles s’adressaient, n’osa pas croire qu’elles fussent pour lui.

Il salua froidement Alice, comme pour prendre congé d’elle, et dit avec un air de politesse forcée qui couvre parfois chez les hommes d’un certain rang la haine la plus terrible : « Je crois, maître Kerneguy, qu’il est convenable de vous taire pour le moment ce que je pense personnellement de l’affaire que nous avons effleurée dans notre conversation ; je vous enverrai quelqu’un qui, je m’en flatte, saura conquérir la vôtre. »

L’Écossais supposé lui fit, avec une espèce de condescendance, un superbe salut, en l’assurant qu’il attendrait l’honneur de ses or-