Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/323

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propre opinion mieux exprimée ; mais c’est absolument ce que je disais quand ces drôles de Têtes-rondes prétendaient voir des revenants à Woodstock… Continuez, je vous prie. »

Éverard continua :

Salut, foi pure et sainte, et toi, blanche Espérance,
Aux ailes d’or planant sur l’étendue immense ;
Salut, vierge sans tache, aimable Chasteté !
Je vous vois, et je crois que la Divinité,
Pour qui les maux ne sont qu’instruments de vengeance,
Enverrait un gardien à ma faible innocence.
S’il le jugeait utile à ma sécurité.
Mais serais-je déçue, ou quelque épais nuage
Marque-t-il sur la nuit son argenté voyage ?

« J’ai oublié la suite, dit Éverard, et je m’étonne même d’avoir pu en réciter si long. »

Sir Henri Lee s’était attendu à quelque torrent diffus bien différent de ces beaux vers classiques ; l’expression méprisante de sa physionomie se dissipa bientôt ; il rabaissa sa lèvre supérieure, et se tenant la barbe de la main gauche, appuya l’index de la droite sur son sourcil en signe de profonde attention. Lorsqu’Éverard eut cessé de parler, le vieillard soupira comme à la fin d’un morceau de musique mélodieux, et prit un ton plus doux qu’avant.

« Cousin Markham, lui dit-il, ces vers sont doux et coulants ; ils résonnent à mes oreilles comme les accords d’un luth bien touché. Mais tu sais que je suis un peu lent à saisir complètement le sens de ce que j’entends pour la première fois. Sois assez bon pour me répéter ces vers, lentement, posément ; car j’aime toujours à entendre les vers deux fois, la première pour le son, la seconde pour le sens. »

Éverard ainsi encouragé, répéta les vers avec plus d’assurance, et produisit plus d’effet, le chevalier les comprenant mieux, et applaudissant du geste et du regard.

« Oui ! » s’écria-t-il, quand Éverard eut fini… « oui… j’appelle cela de la poésie… fût-ce composé par un presbytérien ou même par un anabaptiste. Ah ! c’est qu’on aurait encore pu trouver de bonnes et dignes gens dans les villes que détruisit le feu du ciel ; et ma foi, j’ai entendu dire, quoique je ne le croie guère (en vous priant de m’excuser, cousin Éverard), qu’il y avait parmi vous des hommes qui sont revenus de leurs erreurs, et se sont repentis de s’être révoltés contre le meilleur et le plus aimable des maîtres, et