Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/315

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Vous avez bu, je crois, la coupe de Circé.

« Allons, mes jeunes maîtres, promettez à un vieillard de faire la paix. J’ai de l’expérience dans de pareilles affaires, le sujet d’une querelle est souvent plus léger que l’aile d’un moucheron. J’ai vu cinquante exemples de mon temps, où, comme dit Will…

Deux preux, l’un contre l’autre ont vaillamment lutté,
Et, le fer à la main, ont long-temps résisté.

Et, après en être venus aux mains, ni l’un ni l’autre ne pouvait se rappeler la cause de la querelle. En effet, il faut si peu de chose !… Prendre le haut du pavé, se toucher l’épaule en passant l’un à côté de l’autre, laisser échapper un mot, un geste inconsidéré. Allons, oubliez la cause de votre altercation, quelle qu’elle soit ; vous avez eu le plaisir de dégainer, et si vous avez remis vos rapières dans le fourreau avant qu’elles fussent rougies de sang, ce n’est pas votre faute ; vous l’avez fait par pure condescendance pour un vieillard qui avait le droit d’user d’autorité en cette circonstance. À Malte, où l’on est si pointilleux sur les duels, les champions engagés dans un combat singulier sont obligés de le suspendre sur l’ordre d’un chevalier, d’un prêtre ou d’une dame, et la querelle ainsi interrompue est considérée comme terminée honorablement, et ne peut plus être renouvelée. Mon neveu, il est, je crois, impossible que vous nourrissiez du ressentiment contre ce jeune homme parce qu’il a combattu pour son roi. Écoutez ma proposition, Markham, elle est conforme à l’honneur. Vous savez que je ne vous en veux pas, quoique j’aie quelque raison d’être fâché contre vous. Donnez à ce jeune homme votre main amicalement, et nous retournerons à la Loge tous les trois, et nous trinquerons ensemble en signe de réconciliation. »

Markham Éverard n’eut pas la force de résister à ce retour apparent de tendresse de la part de son oncle ; il soupçonnait à la vérité, et il avait en quelque sorte raison, qu’il n’en était pas redevable à la seule amitié renaissante de sir Henri ; mais que son oncle espérait, par une telle condescendance, l’engager à protéger le royaliste fugitif, ou au moins, à ne pas se déclarer contre lui. Il comprenait qu’il était placé dans une position délicate, et qu’il s’exposait aux soupçons de son propre parti en entretenant des relations même avec de proches parents qui donnaient asile à de tels hôtes ; mais, d’un autre côté, il pensait que les services qu’il avait rendus à la république étaient assez importants pour contrebalancer tout