Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/289

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beaux yeux, que ses beaux traits commencèrent à s’animer, on eût dit un chérubin descendu du ciel pour proclamer les vertus d’un monarque patriote. La personne que ce portrait intéressait principalement s’était retirée en arrière, comme nous l’avons dit, et se cachait le visage, mais de manière à se ménager la vue de la belle enthousiaste.

Albert Lee, qui savait en présence de qui cet éloge était prononcé, était fort embarrassé ; mais son père, dont les sentiments les plus chers étaient satisfaits, s’abandonnait au ravissement : « Voilà pour le roi, Alice ; mais parlez-nous maintenant de l’Homme. — Quant à l’Homme, » continua Alice sur le même ton, « je ne puis faire plus que de lui souhaiter les vertus de son malheureux père. Ses ennemis ont reconnu que si les vertus morales et religieuses étaient considérées comme les qualités qui méritent une couronne, personne n’avait un droit plus incontestable que lui à la réclamer ; tempérant, sage, frugal et pourtant magnifique pour récompenser le mérite… ami des lettres et des muses, mais réprimant avec sévérité le mauvais usage de ces dons du ciel ; le plus estimable des hommes, maître bienveillant ; le meilleur des amis, le meilleur des pères, le meilleur des chrétiens… » Ici sa voix commença à s’altérer, et déjà le mouchoir de son père était à ses yeux.

« Il était tout cela, ma fille… il était tout cela, s’écria sir Henri ; mais n’en dites pas davantage, je vous en prie… pas davantage sur ce sujet… En voilà assez : que son fils possède seulement ses vertus avec de meilleurs conseillers et une meilleure fortune, et il sera tout ce que l’Angleterre pourra souhaiter, même dans ses désirs les plus exigeants. »

Il y eut après ces paroles un moment de silence, car Alice se trouva confuse, comme si elle avait parlé avec plus de franchise et d’enthousiasme qu’il ne convenait à son sexe et à sa jeunesse. Sir Henri s’abandonnait à de tristes souvenirs sur le sort de son dernier souverain ; pendant ce temps-là, Kerneguy et son patron supposé éprouvaient de l’embarras, peut-être parce qu’ils étaient convaincus que le véritable Charles était bien au dessous du portrait idéal que l’on venait de tracer avec de si brillantes couleurs. Il est certains cas où des louanges exagérées ou inopportunes deviennent la satire la plus sévère.

Mais de telles réflexions n’étaient pas de nature à occuper longtemps celui auquel elles auraient pu être si grandement utiles. Il prit un ton railleur, ce qui est peut-être le moyen le plus commode