Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/283

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tel ? — Fiez-vous à moi, monsieur, et n’ayez point d’inquiétude. Mais, je voudrais bien que vous fissiez reprendre au jeune Écossais ses vieilles hardes, car votre habit qu’il porte à présent doit lui donner une tout autre tournure. »

À la manière dont s’exprimait le fidèle domestique, Albert vit qu’il soupçonnait ce qu’était réellement le page écossais ; pourtant il ne jugea point convenable de lui dévoiler toute la vérité, quoiqu’il ne doutât point de la fidélité de Jocelin ; il préféra le laisser à ses propres conjectures.

Plein d’inquiétude, il se rendit à l’appartement de Victor Lee, où Joliffe le prévint qu’il trouverait la société réunie. Un éclat de rire qui partit au moment où il mettait le doigt sur le loquet de la porte le fit tressaillir, tant cette joie était peu en harmonie avec les inquiétantes et mélancoliques réflexions qui l’agitaient ! Il entra, et trouva son père d’excellente humeur, riant et causant sans se gêner avec son jeune hôte, dont la tournure était tellement changée en mieux à l’extérieur, qu’il semblait presque incroyable que le repos d’une nuit, un peu de toilette et un habillement décent, l’eussent changé à ce point et en si peu de temps. On ne pouvait pas cependant attribuer la métamorphose seulement au changement de costume, quoiqu’il y eût, sans doute, aussi contribué. Il n’y avait rien de splendide dans l’habillement de Louis Kerneguy, que nous continuerons d’appeler ainsi par la suite. C’était seulement un habit de cheval en drap gris, orné de quelque broderie en argent et taillé à la mode des gentilshommes campagnards de l’époque ; mais il lui allait parfaitement, et s’accordait à merveille avec son teint brun, surtout quand il levait la tête et déployait les manières d’un gentleman non seulement bien élevé, mais encore accompli. Sa démarche, qui la veille était gauche et grossière, ne décelait plus alors qu’un léger embarras qu’on pouvait attribuer à une blessure qu’il avait reçue dans ces temps désastreux, et qui cependant lui donnait l’air plus intéressant que maladroit.

Les traits du fugitif étaient toujours aussi durs qu’auparavant, mais il avait quitté sa perruque rouge ; ses mèches de cheveux noirs, frisés avec l’aide de Jocelin, retombaient en boucles sur ses yeux, et au milieu de ces boucles brillaient de beaux yeux noirs qui répondaient à son visage animé qui, sans être beau, était expressif. Dans sa conversation il avait mis de côté toute cette rudesse de dialecte qu’il avait si fortement affectée le soir précédent ; et quoiqu’il parlât toujours un peu écossais pour soutenir son rôle de