Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cuir de veau ; à sa gauche était suspendu un tuck[1], comme on disait alors, ou rapière d’une longueur effrayante, et parallèlement, à sa droite, une dague. Le ceinturon était de maroquin et garni de pistolets.

Le ministre, ainsi arrêté dans l’exercice de ses fonctions, se retourna vers celui qui l’avait saisi, et lui demanda d’un ton qui n’était pas fort amical le motif de cette interruption.

« L’ami, répondit l’audacieux soldat, te proposes-tu de prêcher à ces braves gens ? — Sans doute, répliqua le ministre, et c’est mon devoir. Malheur à moi si je n’annonçais pas la parole de l’Évangile ! Mais, je t’en prie, ne m’empêche pas de remplir mes obligations. — Ce n’est point mon intention, mais j’ai moi-même la pensée de prêcher ; ainsi, retire-toi, ou, si tu veux suivre mes conseils, reste dans l’auditoire, et nourris-toi avec ces pauvres oisons, des miettes de la doctrine salutaire que je vais leur donner. — Retire-toi, homme de Satan, » s’écria Holdenough hors de lui-même ; « respecte mon caractère… mon habit. — Je ne vois rien, dans la coupe ou l’étoffe de ton habit, qui exige plus de respect de ma part que tu n’en as eu toi-même pour le rochet de l’évêque. Lui était habillé de noir et de blanc, et toi tu l’es de brun et de bleu. Vous êtes tous des chiens couchants, rampants, aimant à dormir ; des bergers qui affament le troupeau, mais qui ne veillent point sur lui ; vous n’avez d’yeux que pour votre intérêt personnel… Eh bien !… »

Ces scènes indécentes étaient si communes à cette époque, que personne ne songea à intervenir pour mettre fin à la querelle ; la congrégation regardait en silence ; la classe supérieure était scandalisée, et parmi la classe inférieure, les uns riaient, d’autres soutenaient ou le soldat ou le ministre, chacun selon son goût. Cependant, comme le débat s’animait, M. Holdenough[2] demanda du secours à grands cris.

« Monsieur le maire de Woodstock, disait-il, serez-vous un de ces magistrats maudits qui ne portent l’épée que par forme ?… Citoyens, ne soutiendrez-vous pas votre pasteur ?… Digne alderman, me verrez-vous étrangler sur les marches de la chaire, par cet

  1. Mot anglais pour épée, lequel répond au vieux mot estoc, nom d’une épée longue et étroite, qui ne servait qu’à percer. Estoc se prend aussi pour la pointe d’une épée, et de là le proverbe : Frapper d’estoc et de taille. a. m.
  2. Holdenbough, mot composé de hold, tenir, et de enough, assez, est ici un nom de l’imagination de Walter Scott. Il indique assez bien le caractère du personnage qui le porte. Holdforth, en anglais, veut dire prêcheur. a. m.