Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/250

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roi ?… Albert ? parle-m’en bas à l’oreille. — Nos dernières nouvelles annonçaient qu’il s’était échappé de Bristol. — Dieu en soit loué !… Où l’as-tu quitté ? — Nos soldats furent presque tous taillés en pièces à la tête du pont ; mais je suivis Sa Majesté avec cinq cents autres officiers et gentilshommes, tous résolus de mourir autour de lui, jusqu’à ce qu’il plût à Sa Majesté, attendu que notre nombre et notre extérieur nous faisaient poursuivre avec plus d’acharnement, de nous congédier, avec mille remercîments et mille paroles de consolation à tous en général, et quelques expressions obligeantes à chacun de nous en particulier. Il vous envoie ses royales salutations, à vous en particulier, mon père, et m’en a trop dit pour que j’ose tout vous répéter. — Non ; je veux tout savoir, mot pour mot, mon fils : l’assurance que tu as rempli ton devoir, et que le roi Charles en a eu la preuve, n’est-ce pas assez pour me consoler de tout ce que nous avons perdu et souffert ? et tu voudrais m’en priver par une modestie mal placée ! Oh ! tu parleras, quand même je devrais t’arracher les paroles de la bouche ! — Vous n’aurez pas besoin d’employer un pareil moyen, mon père. Sa Majesté m’a ordonné de dire à sir Henri Lee, en son nom, que si son fils ne pouvait devancer son père en royalisme, il le suivait du moins de bien près, et que bientôt il pourrait marcher à ses côtés. Serait-ce vrai ? Alors le vieux Victor Lee te verra avec orgueil, Albert… Mais, j’oubliais… tu es las, et tu dois avoir faim ? — Ma foi, oui, mon père ; mais ce sont des maux que, dans ces temps, j’ai pris l’habitude de souffrir quand il s’agissait d’échapper à la mort. — Jocelin !… holà, Jocelin ! »

Le garde entra et reçut ordre de servir le souper sur-le-champ. « Mon fils et le docteur Rochecliffe sont à demi morts de faim, dit le chevalier. — Il y a aussi en bas un jeune homme, répondit Jocelin, un page, à ce qu’il dit, du colonel Albert, dont le ventre sonne aussi diablement le creux, et sur un fameux air encore ! car je crois qu’il mangerait un cheval avec sa selle, comme on dit dans le comté d’York ; il a déjà mangé tout un pain avec du beurre, à mesure que Phœbé lui faisait les tartines, et il n’a pas encore commencé à remplir son estomac. Vraiment, je crois qu’il vaudrait mieux que vous le gardassiez sous vos yeux ici, car s’il reste en bas, le maître d’hôtel Tomkins peut lui faire des questions embarrassantes… et puis il s’impatiente, comme tous vos pages gentilshommes, et tient des propos galants aux femmes. — De qui parle-t-il donc ?… Quel page as-tu amené, Albert, qui se comporte si mal ?