Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ancien de cette même Église, tout indigne que je sois d’user de la parole sacrée parmi les fidèles. Je me suis posté cette nuit dans l’appartement presque démeublé où se trouve encore une glace immense qui eût pu servir à Goliath de Gath pour s’admirer quand il était revêtu, des pieds à la tête, de son armure d’airain. J’avais choisi cette chambre-là de préférence, parce que l’on m’avait prévenu que c’était l’appartement habitable le plus voisin de la galerie où vous fûtes vous-même, dit-on, assailli hier soir par le malin esprit… Est-ce vrai, je vous prie ? — Oui, j’eus en effet à combattre dans cet appartement quelques personnes dont les intentions n’étaient pas bonnes. Ainsi on ne vous a point trompé. — Eh bien, je choisis mon poste le mieux possible, comme un vaillant général approche son camp et pousse ses retranchements aussi près qu’il peut de la ville assiégée ; et, de fait, colonel Éverard, si j’éprouvai intérieurement des sensations de crainte (car même Élie et les prophètes, qui commandaient aux éléments, avaient une part de notre faible nature, et à plus forte raison un pauvre pécheur comme moi), cependant, je ne perdis ni mon courage ni mon espoir, et je songeai aux textes que je pourrais lancer, non comme charmes et talismans, ainsi que le font les aveugles papistes, en se signant et faisant d’autres cérémonies au moins aussi inutiles, mais comme nourrissant et soutenant cette foi et cette confiance dans les saintes promesses, qui est le vrai bouclier de la religion, contre lequel les traits de Satan s’arrêtent et s’émoussent. Ainsi armé et préparé, je me mis à lire et à écrire, afin de fixer l’attention de mon esprit sur des sujets convenables à la situation dans laquelle j’étais placé, comme capables de prévenir les écarts involontaires de mon imagination, et d’empêcher mon esprit de s’abandonner à des craintes chimériques. Dans cette ferme résolution, j’écrivis des réflexions appropriées à la circonstance, et dont peut-être quelque âme affamée pourrait encore profiter. — C’est agir avec sagesse et piété, mon respectable et révérend monsieur ; continuez, je vous prie. — Après avoir employé environ trois heures de cette manière sans me laisser aller au sommeil, un frémissement étrange s’empara de mes sens. Le vaste et gothique appartement me sembla devenir plus grand, plus sombre, plus lugubre, à mesure que l’air de la nuit devenait plus froid et plus glacial. Je ne sais si c’était que le feu commençait à s’éteindre, ou si, avant ce qui allait m’arriver, il devait se répandre comme un souffle et une atmosphère de terreur, ainsi que le dit Job dans un passage bien connu : « La crainte s’empara