Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/217

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bon ordre ; mais assaillis de tous côtés par le feu ennemi, ils ne tardèrent pas à se débander, se retirant avec beaucoup de perte. Harrison lui-même conduisit vaillamment la retraite et défendit ses hommes le mieux qu’il put contre les assiégés qui s’élançaient à leur poursuite pour les tailler en pièces. Or, colonel Éverard, je suis de ma nature vif et véhément, quoique des instructions meilleures que l’ancienne loi m’aient rendu doux et patient, comme vous me voyez aujourd’hui ; je ne pus supporter la vue de nos Israélites fuyant devant les Philistins. Je m’élançai donc sur la chaussée, ma Bible d’une main et de l’autre une hallebarde que j’avais ramassée, et je forçai nos premiers fugitifs à retourner sur leurs pas, les menaçant de les assommer, leur montrant en même temps un prêtre en soutane, comme ils disaient, qui était au milieu des malveillants, et leur demandant s’ils ne feraient pas autant pour un vrai serviteur du ciel, que les incirconcis pour un prêtre de Baal. Mes paroles et mes coups produisirent leur effet ; ils retournèrent tous à la charge en s’écriant : « Périssent Baal et ses adorateurs ! » Ils tombèrent si soudainement sur l’ennemi, que non seulement ils le repoussèrent jusque dans les fortifications, mais encore s’y jetèrent pêle-mêle avec lui. J’y fus aussi entraîné par le torrent, mais avec la ferme intention d’engager nos soldats furieux à faire quartier, car mon cœur saignait en voyant des chrétiens et des Anglais hachés à coups de sabre et de fusil, comme des chiens enragés qu’on poursuit. Tandis que nos hommes se battaient et se tuaient, et que moi je les suppliais toujours de modérer leur fureur, nous gagnâmes le toit même de l’édifice qui était en partie couvert de plomb, et où ceux des Cavaliers qui avaient survécu s’étaient retirés comme dans une dernière tour de refuge. Je fus moi-même, je puis le dire, porté jusqu’au haut de l’étroit escalier par nos soldats qui se précipitaient comme des chiens de chasse sur leur proie, et lorsque enfin je me fus retiré du passage, je me trouvai au milieu d’une scène horrible : les malheureux assiégés se défendaient, les uns avec la furie du désespoir, les autres à genoux imploraient la pitié de leurs ennemis avec un ton et des paroles à briser le cœur d’un homme quand il se les rappelle. D’autres en appelaient à la merci de Dieu ; et il était temps, l’homme ne connaissait plus de merci, ils étaient assommés, percés de coups, jetés des créneaux dans le lac ; et les cris horribles des vainqueurs mêlés aux soupirs, aux gémissements, aux clameurs des vaincus, faisaient un affreux vacarme dont la mort seule peut arracher le sou-