Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/211

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un tigre apprivoisé, pour se permettre de m’arracher à plaisir les morceaux qu’il me jette ? Certainement je résisterai, et les hommes qui sont ici, presque tous de mon régiment… hommes qui veillent et qui attendent, leurs lampes allumées, leurs reins ceints, leurs glaives pendus le long des cuisses, m’aideront à tenir bon dans la place contre tous les assauts… oui, même contre Cromwell, jusqu’aux derniers événements… Sehah !… Sehah !… — Et moi, dit Desborough, je lèverai des troupes et je protégerai vos postes du dehors, ne me sentant pas l’envie de m’enfermer à présent en garnison. — Et moi, ajouta Bletson, je jouerai aussi mon rôle ; je me rendrai à Londres et, reprenant ma place, j’exposerai l’affaire devant le parlement. »

Éverard fut peu ému de toutes ces menaces. La seule qui fût à craindre, en effet, était celle d’Harrison, dont l’enthousiasme, joint à son courage et à son obstination, ainsi que le crédit dont il jouissait parmi les fanatiques partisans de ses principes, en faisaient un dangereux ennemi. Avant d’entamer de nouvelles discussions avec le réfractaire major-général, Éverard s’efforça de modérer sa colère, et se mit à causer des visions de la nuit dernière.

« Ne me parlez pas de visions surnaturelles, jeune homme, ne me parlez pas d’ennemis ayant corps ou n’en ayant pas. Ne suis-je pas le champion choisi et nommé pour combattre et vaincre le grand dragon et la bête qui vient de la mer ? Ne suis-je pas chargé de commander l’aile gauche et deux régiments du centre, lorsque les saints se rencontreront avec les innombrables légions de Gog et de Magog ? Je vous dis que mon nom est écrit sur la mer de verre mêlée de feu, et que je défendrai ce château de Woodstock contre tous les mortels et tous les diables ; je les battrai en plaine et en chambre, dans la forêt et dans la prairie, jusqu’à ce que les saints régnent dans la plénitude de leur gloire. »

Éverard vit qu’il était temps de produire deux ou trois lignes que Cromwell lui avait écrites de sa propre main, depuis que Wildrake était de retour de son message. L’avis qu’elles contenaient était de nature à réparer le désappointement des commissaires. Cette pièce alléguait pour raison de différer le séquestre de Woodstock, qu’il proposerait, sans doute, au parlement de réclamer l’assistance du général Harrison, du colonel Desborough et de maître Bletson, l’honorable député du bourg de Little-Faith, pour une affaire bien plus importante, la disposition du domaine royal et le séquestre de la forêt du roi à Windsor. À ces mots, l’assis-