Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/208

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citez mes paroles, de le faire exactement. — Allons, allons, nous n’en parlerons pas, dit Bletson ; tout est oublié dès ce moment. Seulement ne me supposez pas capable d’une faiblesse superstitieuse. Ai-je eu peur d’un danger apparent et réel ?… Eh bien, cette crainte est naturelle à l’homme… et je ne nierai pas que ce genre d’émotion m’arrive aussi bien qu’à d’autres. Mais être regardé comme capable de recourir à des talismans, de dormir avec des livres sous mon oreiller pour écarter les esprits, sur ma parole, c’en était assez pour forcer un homme d’honneur à se brouiller un instant avec son meilleur ami… Mais voyons, colonel, qu’avons-nous à faire et comment allons-nous remplir notre devoir dans ce maudit château ? Si j’avais reçu une douche comme Desborough, ma foi, je mourrais d’un catarrhe ; et lui pourtant, vous voyez, n’en souffre pas plus qu’un cheval de poste qui recevrait un seau d’eau. Je présume que vous êtes notre collègne dans cette commission : comment croyez-vous qu’il faille s’y prendre ? — Ah ! bien, Harrison arrive à propos, dit Éverard, et je vais vous communiquer à tous les ordres du lord général : il vous ordonne, comme vous voyez, colonel Desborough, de cesser votre mandat, et vous signifie que son bon plaisir est que vous évacuiez les lieux. »

Desborough prit le papier et examina la signature… « C’est bien celle de Noll, oui, vraiment… c’est bien elle ; seulement, depuis quelques mois, Olivier se comporte en géant, tandis que le Cromvvell rampe auprès de lui comme un nain. Ne dirait-on pas que le sobriquet va disparaître un de ces jours ? Mais si Son Excellence, notre parent, Noll Cromwell… puisqu’il porte encore ce nom… est assez peu raisonnable pour s’imaginer que ses proches et ses amis vont consentir à rester droits sur leurs têtes jusqu’à en gagner des douleurs horribles… À être trempés comme si on les jetait dans un abreuvoir… épouvantés nuit et jour par toutes sortes de démons, de sorcières et de fées, sans pour tout cela gagner seulement un schelling : corbleu ! excusez-moi le jurement… si tel est le cas, j’aime mieux m’en retourner vers ma ferme, soigner mes attelages et mes troupeaux, que de suivre un patron si ingrat, quoiqu’il soit mon beau-frère. Sa sœur était assez pauvre quand je l’ai prise, quoique Noll fasse tant le fier aujourd’hui. — Mon intention n’est pas, dit Bletson, de mettre le désordre dans cette honorable réunion ; et personne ne peut douter de mon attachement et de mon estime pour notre noble général, que le cours des événements, ses incomparables qualités aussi, son courage et sa constance, ont