Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/204

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taient avoir vu des guerriers en armure complète, des chevaux sans têtes, des ânes avec des cornes, des vaches à six jambes, sans parler des noires figures dont les pieds fourchus annonçaient, à ne pas s’y méprendre, à quel royaume elles appartenaient.

Mais ces sortiléges nocturnes, si fortement attestés, avaient été si nombreux parmi les sentinelles qu’on n’avait osé ni donner l’alarme, ni porter du secours sur aucun point, de sorte que les soldats en faction appelaient vainement leurs camarades du corps-de-garde, qui eux mêmes tremblaient au poste ; enfin, un ennemi résolu aurait fait un massacre général de la garnison. Cependant, au milieu de cette alerte universelle, nulle violence, nul mal, nulle injure ne semblait avoir été tentée par les démons, si ce n’est envers un pauvre gaillard, un simple soldat qui avait suivi Harrison dans la moitié de ses batailles, et qui se trouvait alors en faction dans le vestibule même où Éverard avait recommandé qu’on montât la garde. Il avait présenté sa carabine à quelque chose qui était venu subitement sur lui, et elle lui fut à l’instant arrachée des mains, et lui-même terrassé d’un coup de baïonnette. Sa tête brisée, et l’inondation de Desborough dans son lit, sur lequel s’était vidée, durant son sommeil, une cuve d’eau bourbeuse, furent les seules pièces justificatives évidentes qui attestèrent les désordres de la nuit.

Le rapport de ce qui s’était passé dans l’appartement d’Harrison, fait par le grave maître Tomkins, établissait que véritablement le général avait dormi tranquillement, quoiqu’il fût encore plongé dans un profond sommeil, et qu’il eût étendu les mains avant de s’endormir, d’où Éverard conclut que les conspirateurs avaient jugé qu’Harrison avait suffisamment payé son écot, le soir précédent.

Il se rendit alors à l’appartement où se tenait la double garnison de l’honorable Desborough et du philosophe Bletson. Ils étaient tous deux sur pied et s’habillaient, le premier la bouche béante encore de crainte et de souffrance. De fait, dès qu’Éverard entra, le colonel, tout mouillé et mal à son aise, se plaignit de la manière dont il avait passé la nuit, et murmura seulement contre son honorable parent qui lui avait donné une mission dont il retirait de telles aubaines.

« Son Excellence mon parent Noll, dit-il, ne pouvait-il servir à un pauvre membre de sa famille, à son beau-frère, une soupe partout ailleurs que dans ce Woodstock, qui semble être la marmite