Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/198

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le premier rayon du soleil pour aller recueillir la rosée. Mais qu’avez-vous à m’ordonner ? — Rien. — Rien ? — Mais je déclare, reprit le colonel, moins pour t’en informer que pour en prévenir d’autres personnes qui peuvent m’entendre, que je quitte la Loge dès la pointe du jour et en fais déguerpir, s’il est possible, les commissaires. — Écoutez, dit Wildrake, n’entendez-vous pas du bruit, comme un bruit d’applaudissements ? Les démons de l’endroit se réjouissent de votre départ. — Je laisserai Woodstock en la possession de mon oncle sir Henri Lee et de sa famille, s’ils veulent bien y revenir, non que la peur me fasse céder aux artifices qu’on a mis en jeu contre moi en cette occasion, mais seulement parce que j’en avais déjà l’intention depuis long-temps. Mais je préviens, » ajouta-t-il en élevant la voix, « je préviens les complices de ces stratagèmes que s’ils peuvent réussir contre un fou comme Desborough, un visionnaire comme Harrison, un poltron comme Bletson… »

En ce moment la voix d’une personne qui semblait être près d’eux fit entendre : « Ou contre un homme sage, modéré et résolu, comme le colonel Éverard. »

« Par le ciel ! la voix vient du portrait, » s’écria Wildrake dégainant son épée : « il faut que je mette son armure à l’épreuve. — Point de violence, » dit Éverard qui avait tressailli à cette interruption, mais qui, reprenant avec fermeté ce qu’il allait dire, ajouta : « Qu’ils sachent, tous ces complices, qu’en dépit du succès qui favorise à présent leurs artifices, on pourra, si l’on s’en donne la peine, trouver le fin mot, et que leur découverte entraînera nécessairement la punition de tous les coupables, la démolition complète de Woodstock, et la ruine irrémédiable de la famille Lee. Que tous les coupables y songent, et cessent à temps. »

Il s’arrêta, espérant qu’on allait lui répondre, mais il fut trompé dans son attente.

« C’est vraiment bizarre, dit Wildrake ; mais, ha, ha, ha !… ma tête est incapable de donner la moindre explication en ce moment ; elle tourne comme une rôtie dans une cruche de muscadine ; je suis obligé de m’asseoir… ha, ha, ha !… et vais y songer à loisir. Grand merci, bon fauteuil. »

À ces mots, il se jeta, ou plutôt se laissa tomber dans un large siége à bras, qui avait souvent servi à sir Henri, et en moins d’un instant il fut profondément endormi. Éverard était loin d’avoir si grande envie de dormir, pourtant son esprit était débarrassé de la crainte d’autre apparition pour la nuit ; car il supposait son traité pour l’évacua-