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s’éloigner progressivement, retentirent encore pendant quelques secondes aux oreilles d’Éverard, et le tintement sembla recommencer. Il ne put distinguer d’abord si un nouvel écho avait répété un nouveau coup du marteau, ou si quelque bruit d’une autre nature avait troublé le silence où l’horloge, en cessant de sonner, avait replongé l’antique manoir et les bois d’alentour.

Mais son doute fut bientôt éclairci. Il reconnut des airs de musique qui s’étaient mêlés au glas mourant de la cloche et qui en se prolongeant finirent par lui survivre. Une mélodie d’un ton grave, de plus en plus bruyante à mesure qu’elle approchait, semblait passer de chambre en chambre, des cabinets dans les galeries, du vestibule à la voûte, à travers les ruines désertes et profanées de l’ancienne résidence de tant de souverains ; et, pendant qu’elle avançait, nul soldat ne donnait l’alarme, nul des nombreux habitants de la Loge qui passaient une nuit si désagréable et si horrible dans ce vieux manoir, ne semblait oser faire part à un autre de cette cause inexplicable d’appréhension.

L’agitation d’Éverard ne lui permit pas de rester si passif. Les sons approchaient alors tellement de lui, qu’on eût dit, à les entendre, qu’on célébrait dans la pièce voisine un service solennel des morts. Il donna l’alarme en appelant de toute sa force son fidèle écuyer Wildrake, qui ronflait dans la chambre voisine de la sienne, séparée seulement par une porte à demi ouverte.

« Wildrake… Wildrake… sur pied… sur pied ! n’entends-tu pas l’alarme ? »

Wildrake ne répondit pas, quoique la symphonie qui retentissait alors dans l’appartement même, comme si les musiciens eussent été dans son enceinte, fût assez bruyante pour éveiller une personne endormie, même sans qu’un camarade ou un maître eût besoin de l’appeler ainsi.

« Alarme… Roger Wildrake… alarme ! » s’écria toujours Éverard sautant en bas de son lit et saisissant ses armes… « Trouve de la lumière, et donne l’alarme ! »

Point de réponse. Les sons de la musique parurent mourir lorsqu’il eut prononcé ces derniers mots, et la même douce voix qui, selon lui, ressemblait à celle d’Alice Lee, se fit entendre dans l’appartement et non loin de lui :

« Votre camarade ne répondra point, lui dit-elle ; il n’y a que ceux dont la conscience n’est pas tranquille qui puissent prendre l’alarme. — Encore la même mascarade ! dit Éverard. Je suis mieux