Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/190

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épée ; il ne s’imagine pas que le diable puisse craindre le charme de deux hommes couchant dans une même chambre, encore moins que le malin esprit ait une existence avouée par les Nullifidiens de la Rota. »

Éverard prit son imprudent ami par le collet, et l’entraîna pendant qu’il parlait ainsi, sans le lâcher, jusque ce qu’ils fussent arrivés tous deux à la chambre de Victor Lee, où ils avaient déjà couché la première nuit ; il continua même de le retenir jusqu’à ce que le domestique eût disposé les lumières, et fût sorti de l’appartement ; alors, le lâchant, il lui adressa cette ironique question : « N’es-tu pas un prudent et habile personnage, toi qui, dans le temps où nous vivons, cours au devant de toutes les occasions de te mettre dans l’embarras par des discours irréfléchis ? Honte à toi ! — Oui, honte à moi, bien sûr, dit le Cavalier ; honte à moi, pauvre et bonne créature, qui consens à me laisser ainsi mener par un homme qui n’est ni mieux né, ni mieux élevé que moi. Je te le dis, Mark, tu n’uses pas généreusement des avantages que tu as sur Wildrake : pourquoi ne pas vouloir que je te quitte, que j’aille vivre et mourir à ma mode ? — Parce qu’avant une semaine de séparation, j’entendrais dire que vous êtes mort comme un chien. Allons, mon bon ami, quelle folie avais-tu donc pour attaquer Harrison, et puis entamer une dispute inutile avec Bletson ? — Ma foi ! nous sommes dans la maison du diable, je crois, et je paie volontiers à mon hôte ce qui lui est dû, partout où je m’arrête en route. Lui envoyer Harrison ou Bletson pour le moment, c’est une bagatelle pour modérer son appétit, jusqu’à ce que Crom… — Chut ! les murailles nous entendent, » dit Éverard en regardant autour de lui. « Tiens, voilà de quoi boire avant de te coucher. Ne quitte pas ton épée, car il nous faut être sur nos gardes comme si le vengeur du sang était derrière nous. Voilà ton lit ; et le mien, comme tu vois, est préparé dans le salon, cette porte seule nous sépare. — Et je la laisserai ouverte, en cas que tu aies besoin de secours, comme disait Nullifidien. Mais comment as-tu donc si bien arrangé tout cela, bon maître ? — J’ai averti le maître-d’hôtel Tomkins que je voulais coucher ici. — Tomkins ! dit Wildrake, un étrange drôle, qui a pris, on dirait, mesure du pied à chacun… Tout paraît lui passer par les mains. — C’est, à ce que je pense, répliqua Éverard, un de ces hommes formés par les circonstances… Il a le don de prêcher et de pérorer, ce qui lui donne un grand crédit parmi les Indépendants ; et il se recommande aux gens plus