Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/170

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pas qu’ils ont enrichi Abraham malgré lui… Je vivrai comme je mourrai, le loyal Lee. — Puis-je espérer que vous y réfléchirez, monsieur, et que peut-être, en raison de la légère soumission que l’on exige de vous, vous me ferez une réponse plus favorable ? — Monsieur, si je change d’opinion, ce qui n’est pas mon habitude, vous en saurez des nouvelles… Voyons, neveu, avez-vous encore à me parler ? Nous tenons ce pauvre et digne minisire dans la cuisine. — J’ai encore quelque chose à ajouter… quelque chose concernant ma cousine Alice ; mais vos préjugés à tous deux contre moi sont si violents… — Monsieur, je ne crains pas de laisser ma fille seule avec vous… Je vais rejoindre le bon docteur dans l’appartement de la ménagère Jeanne. Je ne suis pas fâché que vous sachiez ainsi que je laisse à cette pauvre enfant, autant qu’il est raisonnable de le faire, le libre exercice de sa volonté. »

Il sortit et laissa le cousin avec la cousine. Le colonel Éverard s’approcha d’Alice et allait lui prendre la main. Elle se retira, prit le siège où son père s’était assis, et lui en montra un à quelque distance.

« Sommes-nous donc si étrangers l’un à l’autre, ma chère Alice ? lui dit-il. — Nous allons en causer tout à l’heure, répondit-elle ; permettez-moi d’abord de vous demander le motif de votre visite à une heure si indue. — Vous avez entendu ce que j’ai dit à votre père ? — Oui ; mais il semble que ce n’est point là le seul motif de votre visite… vous en aviez un autre qui paraissait me concerner spécialement. — C’était un caprice… une bizarrerie. Puis-je vous demander si vous êtes sortie ce soir ? — Certainement non, répliqua-t-elle ; Je ne suis plus tentée de quitter cette demeure, toute pauvre qu’elle est, surtout lorsque j’y ai d’importants devoirs à remplir. Mais d’où vient que le colonel Éverard me fait une si étrange demande ? — Dites-moi d’abord pourquoi votre cousin Markham Éverard a perdu ce nom qu’il devait à l’amitié, à la parenté, même à un sentiment plus doux, et je vous répondrai ensuite, Alice. — Il est facile de vous le dire. Quand vous tirâtes l’épée contre la cause de mon père… bien plus contre lui… je cherchai, plus que je ne l’aurais dû, à excuser votre conduite. Je connaissais, du moins je croyais connaître vos hautes idées du devoir public.. Je connaissais les opinions dans lesquelles on vous avait élevé, et je disais : Je ne l’en aimerais pas moins pour cela, il abandonna son roi parce qu’il est loyal à son pays. Vous fîtes tous vos efforts pour empêcher la grande et dernière catastrophe du 30 janvier, et ces efforts me