Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne voudrais pas trouver d’offenses dans vos paroles, monsieur, dit le colonel Éverard, quand leur sens général est bienveillant ; mais je puis protester à la face du ciel que mes projets et mes désirs envers vous et votre famille sont aussi désintéressés que remplis d’amour pour vous et les vôtres. — Expliquez-nous-les donc, mon neveu, car nous ne sommes plus accoutumés à des souhaits favorables aujourd’hui, et leur rareté même les fera bien accueillir. — Je voudrais pouvoir, sir Henri, puisque vous ne voulez pas que je vous donne un nom plus tendre, convertir ces souhaits en réalité pour votre consolation. Votre sort, d’après la tournure actuelle des choses, est mauvais, et deviendra sans doute, j’en ai peur, pire encore. — Pire que celui auquel je m’attends, c’est impossible, mon neveu ! Je ne tremblerai pas devant un changement de fortune ; je porterai un habit plus grossier ; je prendrai une monture plus ordinaire ; des hommes ne m’ôteront plus leur chapeau, comme ils le faisaient quand j’étais le grand, le riche sir Henri. Eh bien ! quoi ? le vieux Henri Lee a préféré son honneur a ses titres, sa foi à ses terres et à son titre de seigneur. N’ai-je pas vu le 30 janvier ? Je ne suis ni littérateur ni astrologue ; mais le vieux William m’apprend que, quand les feuilles vertes tombent, l’hiver arrive, et que la nuit vient quand se couche le soleil. — Que penseriez-vous, monsieur, dit le colonel, si, sans exiger de vous aucune soumission, sans vous lier par aucun serment, sans vous imposer aucun engagement, sinon qu’à l’avenir vous ne chercherez pas à troubler la paix publique, l’on pouvait vous rendre votre habitation à la Loge, votre ancienne fortune et vos revenus ordinaires ? J’ai lieu d’espérer qu’on vous accordera cette faveur, sinon expressément, du moins par tolérance. — Oui, je vous comprends ; on me traitera comme les monnaies frappées au coin royal, mais marquées au sceau du croupion[1] pour être valables, attendu que je suis trop vieux pour qu’on puisse m’enlever l’empreinte royale. Je n’y consentirai jamais, mon neveu. J’ai vécu déjà trop long-temps à la Loge, et, permettez-moi de nous le dire, je l’eusse quittée avec mépris depuis plus long-temps, si je n’eusse respecté l’ordre d’un maître que je puis peut-être servir encore. Je ne recevrai rien des usurpateurs, qu’on les appelle Croupion ou Cromwell… qu’ils soient diables ou légions… Je ne recevrai pas d’eux un vieux chapeau pour couvrir mes cheveux blancs…. un manteau usé pour défendre mes faibles jambes de l’intempérie des saisons. Ils ne diront

  1. The rump, sobriquet de mépris que l’on donnait au parlement. a. m.