Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était enveloppé d’un manteau, ses jambes allongées sur un tabouret, comme s’il eût souffert de la goutte ou d’une douleur. Sa longue barbe blanche, descendant sur son vêtement noir, lui donnait plutôt l’air d’un ermite que d’un vieux soldat ou d’un vieux gentilhomme ; et on pouvait encore le supposer davantage par la vive et profonde attention avec laquelle il semblait écouter un vénérable vieillard dont les hardes en lambeaux laissaient voir encore quelques traces d’habit ecclésiastique, et qui, d’une voix basse, mais pleine et sonore, lisait le service du soir suivant le rite de l’Église d’Angleterre. Alice Lee était à genoux aux pieds de son père, et faisait les réponses, d’une voix qui aurait pu se mêler au chœur des anges, avec une dévotion modeste et sérieuse qui allait à ravir avec la mélodie de son ton. Le visage du ministre qui officiait aurait été moins singulier, s’il n’eût pas été défiguré par un emplâtre noir qui lui couvrait l’œil gauche et une partie de la figure, et si ses traits n’eussent pas été visiblement marqués des traces du souci et de la souffrance.

Lorsque le colonel Éverard entra, le ministre lui fit un signe de la main comme pour l’engager à prendre garde de troubler le service divin du soir, et lui montra un siège. Profondément ému de la scène dont il était témoin, le nouvel arrivant entra avec le moins de bruit possible, et s’agenouilla dévotement comme un membre de la petite congrégation.

Éverard, tel que son père l’avait élevé, était ce qu’on appelle un Puritain, membre d’une secte qui, dans le sens primitif du mot, ne rejetait pas les doctrines de l’Église d’Angleterre, ne se déclarait même pas en tous points contre sa hiérarchie, mais s’en écartait seulement au sujet de certaines cérémonies, coutumes et formes du rite sur lesquelles insistait le célèbre et malheureux Laud[1] avec une obstination que l’époque repoussait. Mais quand bien même, adoptant les principes de sa famille, les opinions d’Éverard eussent été diamétralement opposées aux doctrines de l’Église d’Angleterre, il se fût, à coup sûr, réconcilié avec elles par la régularité qu’on mettait à célébrer le service dans la famille de son oncle à Woodstock qui, durant le cours de sa prospérité, avait presque toujours eu un chapelain à la Loge.

Quelque profond que fût le respect avec lequel Éverard entendait le service imposant de l’Église, il ne pouvait s’empêcher, tou-

  1. Archevêque de Cantorbéry, mort sur l’échafaud en 1643, pour la cause de Charles Ier. a. m.