Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

font leur sabbat infernal ici, je pense… Où êtes-vous donc ? — Ici, ici ! répondit Éverard ; cessez vos cris ; prenez à gauche, et vous me trouverez. »

Guidé par cette voix, Wildrake se montra bientôt, une lumière d’une main et son épée de l’autre : « Où avez-vous donc été ?… qui vous a retenu ?… Croiriez-vous que Bletson et la brute de Desborough craignent pour leur vie, et qu’Harrison devient fou, parce qu’il prétend que le diable ne sera point assez poli pour venir le combattre ? — N’avez-vous rien vu, rien entendu en venant de ce côté ? demanda Éverard. — Rien, si ce n’est que d’abord, en entrant dans ce maudit labyrinthe en ruine, la lumière m’est tombée de la main, comme si on m’eût donné un coup de houssine, et qu’il m’a fallu en aller chercher une autre. — Il faut me trouver un cheval sur-le-champ, Widrake, et un autre pour toi, si c’est possible. — Nous pouvons en prendre deux de ceux qui appartiennent aux soldats, répondit Wildrake. Mais pourquoi donc nous mettre en campagne comme des rats, à cette heure ? la maison s’écroule-t-elle ? — Je ne puis vous répondre, » dit le colonel en s’avançant dans une autre chambre où étaient encore quelques meubles.

Là le Cavalier examina plus attentivement son ami, et s’écria avec étonnement : « Avec qui diable vous êtes-vous battu, Markham ! qui vous a mis dans cet état ? — Battu, répondit Éverard. — Oui, je dis battu. Regardez-vous dans le miroir. »

Il s’y regarda, et vit qu’en effet il était couvert de poussière et de sang. Le sang provenait d’une égratignure qu’il avait reçue au gosier, tandis qu’il se débattait pour échapper. Avec une inquiétude manifeste, Wildrake abaissa le collet de l’habit de son ami, et se mit en toute hâte à examiner sa blessure, les mains tremblantes et les yeux ardents, tant il craignait pour les jours de son bienfaiteur ! Quand, en dépit de la résistance d’Éverard, il eut examiné la plaie et reconnu que c’était une bagatelle, il reprit sa folie habituelle de caractère, d’autant plus aisément, peut-être, qu’il s’était senti honteux de l’abandonner pour prendre un air qui annonçait plus de sensibilité qu’on ne le croyait capable d’en montrer.

« Si c’est l’ouvrage du diable, Mark, lui dit-il, les griffes du malin esprit ne sont pas encore si terribles qu’on le pense généralement ; mais personne ne dira, tant que Roger Wildrake sera à votre côté, que votre sang a coulé sans qu’il en ait tiré vengeance. Où avez-vous laissé votre diablotin ? Je retournerai sur le champ de bataille lui