Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/158

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qu’Éverard ne put s’empêcher en entrant de s’arrêter et de se recommander à Dieu, avant de s’enfoncer dans le corridor ; son épée nue à la main, et marchant avec le moins de bruit possible, il se tint dans l’ombre autant qu’il le put.

Markham Éverard n’était nullement superstitieux ; mais il avait la crédulité ordinaire de son siècle, et quoiqu’il ne crût pas aisément aux histoires d’apparitions surnaturelles, pourtant il pensait, en dépit de lui-même, qu’il se trouvait dans un lieu où certes les visions, en supposant qu’on pût jamais en apercevoir, devaient se montrer ; son pas léger et vacillant, son épée nue et les bras étendus en avant (action et attitude du doute et du soupçon), contribuaient à augmenter dans son esprit ces lugubres pensées dont cette démarche est l’indice ordinaire et dont elles sont toujours accompagnées. Livré à ces fâcheuses impressions et persuadé qu’il avait près de lui quelque être malfaisant, le colonel Éverard avait déjà traversé presque la moitié de la galerie, lorsqu’il entendit soupirer et une voix douce et lente prononcer son nom.

« Me voici, » répondit-il, tandis que son cœur battait fort et vite ; « qui appelle Markham Éverard ? »

Un second soupir fut la seule réponse.

« Parlez, qui que vous soyez ! dites dans quelle intention vous êtes venu en ces lieux ? — Dans de meilleures que les vôtres, répondit la douce voix. — Que les miennes ! » reprit Éverard vivement surpris ; « et qui êtes-vous pour juger de mes intentions ? — Et vous-même, qui êtes-vous, Markham Éverard, vous qui rôdez au clair de la lune dans ces salles désertes d’un royal palais où on ne devrait rencontrer que ceux qui pleurent la chute de la royauté ou qui ont juré de la venger ? — C’est… et pourtant ce n’est pas possible, dit Éverard. Cependant c’est elle, ce doit être elle. Alice Lee, c’est le diable ou vous qui me parlez ; répondez-moi, je vous en conjure !… parlez sans détour… Quel dangereux projet avez-vous conçu ? pourquoi êtes-vous ici ?… pourquoi vous exposer à un si terrible péril ?… Parlez, je vous en conjure, Alice Lee ! — Celle que vous nommez est à bien des milles d’ici. Si c’était son génie qui vous parlât en son absence ?… l’âme d’une de ses aïeules et des vôtres qui vous adressât en ce moment la parole ?… Si… — Bien ! répondit Éverard ; mais si la plus chère des créatures humaines s’est laissée entraîner par l’enthousiasme de son père ; si elle expose sa personne au danger, sa réputation au scandale, en traversant sous un déguisement et dans l’obscurité une maison pleine de