Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/146

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tant depuis qu’on les avait reconnus impraticables ; car un essai malheureux ne convertit pas plus le spéculateur politique que l’explosion d’une cornue ne détrompe un alchimiste. Cependant Bletson était disposé à se soumettre à Cromwell, ou à tout autre qui aurait l’autorité suprême. En pratique, il était toujours sujet obéissant des pouvoirs établis, et faisait peu de différence entre les diverses espèces de gouvernement, persuadé, en théorie, que toutes étaient également imparfaites dès qu’elles s’écartaient du modèle que trace Harrington dans son Oceana. Cromwell le tenait déjà comme de la cire amollie qu’on place entre le pouce et l’index, et qui va recevoir l’empreinte du cachet ; souriant en lui-même de voir le conseil d’état combler Bletson de récompenses, comme un fidèle partisan ; tandis qu’il était certain de son obéissance aussitôt que le changement attendu dans le gouvernement aurait lieu. Mais Bletson était encore plus attaché à ses doctrines métaphysiques qu’à ses opinions politiques, et poussait sa croyance à la perfectibilité de l’espèce humaine aussi loin que celle sur la perfection imaginable d’un modèle de gouvernement. Et de même que, dans ce second cas, il se déclarait contre toute puissance qui n’émanait pas du peuple, de même, dans ses spéculations morales, il ne pouvait se résoudre à rapporter aucun des phénomènes de la nature à une cause finale. Quand on le pressait un peu, il est vrai, Bletson était contraint de développer à demi-voix une doctrine inintelligible d’un Animus mundi du pouvoir créateur dans les ouvrages de la nature, au moyen duquel la nature appelait d’abord à l’existence, et ensuite continuait à maintenir ses ouvrages. À ce pouvoir, disait-il, les plus purs métaphysiciens rendaient un certain degré d’hommage ; et lui-même n’était pas absolument porté à censurer ceux qui, par l’institution des jours de fête, des chœurs de danse, des chants, des repas et des libations innocentes, paraissaient disposés à adorer cette grande divinité, la Nature : car danser, chanter, manger et se divertir, étant choses aussi plaisantes pour les jeunes gens que pour les vieillards, on pourrait aussi bien se divertir, danser et se régaler pour célébrer les jours de fête que sous tout autre prétexte. Cependant, selon lui, ce système modéré de religion ne devait être mis en pratique qu’avec autant d’exceptions qu’en admet le serment de Highgate[1] ; et personne

  1. Highgate est un village à quatre milles de Londres. Il y a là une auberge où, par farce, quand vous paraissez pour la première fois, on exige de vous le serment de ne jamais aller à pied, quand vous pouvez aller à cheval, à moins que vous ne préfériez être piéton ; de ne jamais caresser la servante, quand vous pouvez caresser la maîtresse ; de ne jamais boire d’eau, quand vous pouvez boire de bonne bière ou de bon vin ; si vous n’aimez mieux l’eau, etc. a. m.