Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/138

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qui est la plus haute et la dernière défense de ce vieux château. Il est friand, je vous assure, et il préfère pour se loger des appartements qui respirent la luxure et qui sentent le meurtre. Dans cette tourelle pécha Rosemonde, et ce fut dans cette tourelle qu’elle périt… et là, assure-t-on, elle se montre encore, ou plutôt c’est l’ennemi sous ses traits, comme je l’ai entendu dire ici à des personnes véridiques de Woodstock… Je vous accompagne, mon cher colonel… Monsieur le maire fera comme il lui plaira. Un homme fort s’est retranché dans cette maison ; mais il y en aura bientôt un plus fort que lui. — Pour moi, dit le maire, qui suis aussi mauvais théologien qu’inhabile soldat, je ne livrerai pas bataille ni aux puissances de la terre ni au prince de celles de l’air, et je retournerai à Woodstock… Mon brave ami, » dit-il à Wildrake en lui frappant sur l’épaule, « écoute : si tu veux m’accompagner, je te donnerai un shelling mouillé et un shelling sec. — Corbleu ! maître maire, » répondit Wildroke, qui n’était ni flatté du ton familier que prenait avec lui le magistrat, ni séduit par sa munificence… « je ne sais qui diable nous a rendus si camarades. Et d’ailleurs, croyez-vous que je pense à retourner à Woodstock avec votre respectable tête de morue quand, en agissant comme il faut, je puis lancer un regard à la belle Rosemonde, et voir de mes yeux si elle était réellement un si brillant et incomparable joyau, comme le disaient les rimeurs et faiseurs de ballades ? — Parle moins légèrement, ami, moins inconsidérément, dit le ministre ; nous devons résister au diable afin de l’expulser loin de nous, et ne pas demeurer avec lui ni entrer dans ses conseils, ni trafiquer des marchandises de sa grande Foire de Vanité. — Fais attention à ce que dit le digne homme, Wildrake, reprit le colonel, et tâche qu’une autre fois ton esprit ne mette pas ta discrétion en déroute. — Je remercie bien le révérend ministre de ses bons conseils, » répondit Wildrake à qui il était impossible de fermer la bouche, même quand sa propre sûreté lui imposait silence ; « mais, corbleu ! malgré toute l’expérience qu’il peut avoir pour combattre le diable, il n’en a jamais vu un si noir que celui auquel j’eus affaire… il n’y a pas cent ans. — Comment, l’ami, » dit le ministre, qui prenait tout à la lettre dès qu’il s’agissait d’apparition, « avez-vous eu depuis si peu une visite de Satan ? Alors, en vérité, je ne m’étonne plus que tu oses prononcer son nom si souvent et si légèrement. Mais quand et où as-tu donc vu le malin esprit ? »

Éverard intervint au plus vite, de peur qu’une allusion encore plus directe à Cromwell, faite comme pure fanfaronnade par son