Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/136

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garder par dessus son épaule. Il tenait une bible à la main, comme si ce livre dût livrer bataille au malin esprit ; mais je regardai par dessus son épaule, et, hélas ! le bon homme la tenait à l’envers. C’était absolument comme si un de vos mousquetaires, noble et respectable monsieur, eût présenté à l’ennemi la crosse de son fusil au lieu du canon… Ha, ha, ha ! c’était un spectacle d’après lequel on pouvait juger des schismatiques pour la tête et la présence d’esprit, comme pour l’instruction, le courage… Oh, colonel ! quelle belle occasion ce fut pour moi de reconnaître le véritable caractère de ces malheureux hommes qui, sautant dans la bergerie sans autorité ni motif légitime, osent en vérité prêcher, enseigner, exhorter, et poussent le blasphème jusqu’à appeler doctrine de l’Église un potage sans sel et un morceau de viande sèche ! — Je ne doute pas que vous ne fussiez prêt à affronter le péril, mon révérend monsieur ; mais je voudrais savoir un peu quel il était, et de quel côté il pouvait venir. — Ne fallait-il pas que je prisse des renseignements ? » dit l’ecclésiastique d’un air de triomphe. » Un brave soldat doit-il compter ses ennemis ou s’informer par où ils sont venus ? Non, monsieur, j’étais là, mèche allumée, le boulet dans ma bouche, mon arquebuse sur l’épaule pour faire face à tous les diables que l’enfer pourrait vomir, fussent-ils aussi innombrables que les atomes aux rayons du soleil, vinssent-ils des quatre parties du monde. Les papistes parlent de la tentation de saint Antoine… Bah ! qu’ils doublent les millions de diables sortis de la folle imagination d’un peintre hollandais, et vous trouverez encore un pauvre prêtre presbytérien… je réponds d’un du moins… qui, plein de confiance, non dans sa propre force, mais en celle de son maître, recevra l’assaut de telle façon que, loin de revenir à l’attaque contre lui, comme ils y sont revenus contre cette pauvre créature, jour après jour, nuit après nuit, il les repoussera du premier coup et à outrance, jusqu’aux extrémités de l’Assyrie. — Encore une fois, reprit le colonel, dites-moi, je vous prie, si vous avez, en cette occasion, trouvé le moyen d’exercer votre pieux savoir ? — Je n’ai rien vu, répondit le ministre ; non, vraiment, je n’ai rien vu, je n’ai rien aperçu du tout, et de même que les voleurs n’attaquent pas les voyageurs bien armés, de même les diables et les malins esprits ne s’élancent pas davantage contre celui qui porte en son sein la parole de vérité dans la langue même où elle fut dictée pour la première fois. Non, monsieur ; mais ils fuiront un théologien capable de comprendre les textes saints, comme un corbeau, dit-on, s’éloigne à tire d’aile d’un, fusil chargé de gros plomb. »