Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/126

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douzaine d’arrêts parlementaires… Mais il est temps que tu te mettes à table si tu as en vérité galopé de Windsor ici sans rien prendre. — Je ne m’en inquiète guère, répondit Wildrake ; le général m’a donné un déjeuner qui, je pense, me servira longtemps, si jamais je parviens à le digérer. Par la messe ! il me pesa tant sur la conscience que je l’ai porté à l’église pour voir si je pourrais l’y digérer avec mes autres péchés ; mais il n’y a pas eu moyen. — À l’église… à la porte de l’église, tu veux dire ? répliqua Éverard. Je te connais bien… Tu as coutume d’ôter très-humblement ton chapeau devant la porte, mais cela ne t’arrive pas tous les jours. — Eh bien ! si j’ôte mon chapeau et si je m’agenouille, n’est-il pas convenable de montrer dans une église le même respect que dans un palais ? Il est excellent, le nierez-vous ? de voir vos Anabaptistes, vos Brownistes, et vous autres enfin, écouter un sermon avec aussi peu de cérémonie que n’en font des pourceaux autour d’une auge. Mais voici le dîner, et je vais dire le Benedicite, si je m’en souviens encore. »

Éverard s’intéressait trop au sort de son oncle et de sa belle cousine ; il songeait trop au projet de les rétablir dans leur paisible demeure, sous la protection de ce formidable bâton qu’on regardait déjà comme le bâton de commandement de l’Angleterre, pour remarquer que certainement il s’était opéré un grand changement dans les manières et dans la tournure, extérieure du moins, de son compagnon. Sa conduite laissait souvent apercevoir en lui une espèce de lutte intérieure entre de vieilles habitudes de débauche et quelques résolutions d’abstinence nouvellement prises ; et il y avait plaisir à voir comme la main du néophyte se dirigeait naturellement vers une énorme bouteille de cuir qui contenait deux doubles flacons d’ale forte ; et combien de fois, détournée dans sa direction par les réflexions plus sages du buveur réformé, elle prenait à la place une cruche d’eau pure et salutaire.

Il était facile de voir qu’il n’était pas encore très-habitué au nouveau plan de conduite qu’il venait de se tracer, et que si intérieurement il s’en réjouissait, son corps ne paraissait s’y soumettre que lentement et avec répugnance. Mais l’honnête Wildrake avait été terriblement épouvanté des propositions de Cromwell ; et, avec des sentiments qui ne dépendaient pas absolument de son attachement à la religion catholique, il avait pris au fond du cœur la résolution solennelle que, s’il sortait sain et sauf, et à son honneur, de cette périlleuse entrevue, il se montrerait sensible à cette faveur du ciel,