Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/112

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la soumission et la tendresse qu’on trouve chez des enfents. Là il fit encore une bonne pause, laissant Wildrake aussi incertain qu’auparavant sur la question de savoir s’il accorderait ou non au colonel Éverard les pouvoirs que celui-ci avait demandés pour protéger Woodstock contre les commissaires du parlement. Il commençait intérieurement à penser que la justice du ciel ou l’effet des remords avait troublé la raison du régicide. Mais non, il ne pouvait voir que de la sagacité dans cet œil ferme et sévère qui, pendant qu’il répandait en profusion ses éternelles périphrases, semblait épier avec la vigilance la plus active l’effet que sa harangue produisait sur celui qui l’écoutait.

« Tudieu ! » pensa en lui-même le Cavalier, se familiarisant un peu avec sa nouvelle position, et fort impatienté d’une conversation qui ne menait à aucune conclusion ou fin visible : « ce Noll fût-il le diable lui-même au lieu de son protégé, je ne me laisserai pas ainsi conduire par le nez. Je m’en vais le pousser un peu, s’il continue de ce train, et essayer si je puis lui faire parler un langage plus intelligible. »

Prenant donc cette hardie résolution, mais effrayé à demi, Wildrake n’attendait plus qu’une occasion pour la mettre à exécution. Cromwell semblait embarrassé pour exprimer sa pensée : il commençait déjà un troisième panégyrique du colonel Éverard, en protestant toujours, sur tous les tons, de son désir de l’obliger, lorsque Wildrake profita d’une des pauses oratoires du général pour lui enlever la parole.

« Parlant par respect, » dit-il brusquement, « Votre Seigneurie a déjà traité dans deux points de son discours son propre mérite et celui de mon maître, le colonel Éverard ; mais, pour me mettre en état d’accomplir ma mission, il serait nécessaire qu’elle abordât en peu de mots le troisième. — Le troisième ? dit Cromwell. — Oui, sans doute ; celui qui, dans la division du discours de Votre Honneur, doit m’être relatif. Que dois-je faire ? quelle part dois-je prendre à cette intrigue ? »

Olivier quitta tout-à-coup le ton de voix qu’il avait pris jusqu’alors, et qui ressemblait un peu au bruit d’un chat faisant le rouet, pour rugir comme un tigre au moment où il s’élance sur sa proie. « Ta part, échappé de prison ! s’écria-t-il, la potence !… Tu seras pendu aussi haut qu’Aman, si tu trahis nos secrets ! Mais, » ajouta-t-il en adoucissant sa voix, « agis en honnête homme, et ma faveur te sera acquise. Écoute : tu es brave, quoiqu’un peu insolent ; tu