Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/98

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ché depuis Dieu sait quel temps, et que les chambres n’ont pas même été ouvertes. Si nous avions su, miss Marie et moi, nous serions allées au presbytère ; nous sommes toujours sûres de faire plaisir à miss Beeckie, ainsi qu’au ministre, mon frère ; mais à présent Dieu nous préserve…

— Et n’y a-t-il pas la chambre verte, Grizzel ?

— Il est vrai, et celle-là est en bon ordre, quoique personne n’y ait couché depuis le docteur Heavy-Sterne ; mais…

— Mais… quoi ?

— Eh quoi ! vous devez vous rappeler vous-même la nuit qu’il y passa, et vous ne voudriez sans doute pas exposer ce jeune gentilhomme à en passer une semblable. »

Lovel en entendant cette discussion voulut la faire cesser en protestant qu’il aimait beaucoup mieux s’en retourner à pied chez lui que de leur causer la moindre incommodité. L’exercice, dit-il, lui ferait du bien ; il connaissait la route de Fairport parfaitement, et de nuit comme de jour ; l’orage d’ailleurs diminuait ; et il ajouta à ceci tout ce que la politesse put lui suggérer pour échapper à une hospitalité qui semblait devoir être plus gênante pour ses hôtes qu’il n’avait pu le prévoir. Mais le sifflement du vent et le bruit que faisait la pluie en fouettant contre les carreaux, joints à la pensée des fatigues auxquelles il avait été exposé toute la soirée, auraient empêché Oldbuck de consentir au départ de son jeune ami, quand bien même il lui eût inspiré moins d’intérêt. Outre cela, il tenait à honneur de montrer qu’il ne se laissait pas gouverner par des femmes.

« Asseyez-vous, asseyez-vous, jeune homme, lui répéta-t-il plusieurs fois ; je consens à ne jamais déboucher une bouteille si vous et moi nous nous séparons ainsi, et en voici justement une d’excellente ale, véritable anno Domini,… rien qui ressemble à vos perfides décoctions, mais la liqueur naturelle, brassée avec de l’orge de Monkbarns. John de Girnel n’ouvrit jamais un meilleur flacon pour aucun ménestrel errant ou pèlerin apportant les nouvelles les plus fraîches de la Palestine. Et pour dissiper sans retour de votre esprit le moindre désir de partir, sachez que si vous le faites, votre réputation de brave chevalier est à jamais perdue. Comment ! mais c’est une véritable aventure que de coucher dans la chambre verte à Moukbarns. Ma sœur, veillez à ce qu’on la prépare, et quoique l’aventureux docteur Heavy-Sterne n’ait rêvé que peine et douleur dans cet appartement enchanté, ce n’est pas