Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/82

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d’un orage ; appuyez-vous dessus, ma belle demoiselle ! Voyez-vous là-bas ce point noir au milieu des vagues écumantes ! ce matin il était aussi haut que le mât d’un brick ; il est bien petit maintenant, mais tant qu’il présentera autant d’espace que la forme de mon chapeau, je ne désespérerai pas que nous puissions tourner le Ballyburgh-Ness, malgré l’état où nous nous trouvons. »

Isabelle accepta en silence l’appui que lui présentait le vieillard, et que sir Arthur n’était pas en état de lui offrir. Les vagues s’avançaient alors tellement sur la plage, qu’ils avaient été obligés d’abandonner le chemin solide et uni qu’ils avaient d’abord suivi sur le sable, pour un sentier raboteux qui côtoyait le précipice et qui même en quelques endroits traversait les aspérités existantes sur ses bords. Il aurait été absolument impossible à sir Arthur et à sa fille de découvrir un chemin parmi ces écueils, s’ils n’eussent été guidés et encouragés par le mendiant qui s’y était déjà trouvé dans de hautes marées, quoique jamais, avouait-il, par une nuit aussi effrayante que celle-là.

La nuit était effrayante en effet ; le mugissement de l’orage se mêlait aux cris des oiseaux de mer et retentissait comme la cloche funèbre sur ces trois victimes qui, suspendues entre les deux objets non les plus magnifiques, mais les plus redoutables de la nature, une mer en furie et un abîme sans fond, poursuivaient leur route pénible et dangereuse, souvent battus par le flot écumant et gigantesque qui s’élevait sur la plage au dessus de ceux qui l’avaient précédé. À chaque minute leur ennemi gagnait imperceptiblement du terrain sur eux ! Cependant, ne pouvant se décider à abandonner une dernière espérance de salut, ils fixaient leurs yeux sur le rocher noir que leur avait montré Ochiltree. Il était encore facile à distinguer parmi les brisans, et continua de l’être jusqu’à ce qu’en suivant leur route douteuse ils arrivassent à un détour où une saillie de roc vint tout-à-coup le cacher à leurs yeux. Privés du seul fanal sur lequel ils eussent compté, ils se trouvèrent alors livrés à la double angoisse de l’incertitude et de la terreur. Ils s’efforcèrent pourtant de continuer, mais quand ils furent arrivés au point d’où ils auraient dû découvrir le rocher noir, il avait cessé d’être visible. Ce signal de salut était perdu au milieu de îlots blanchissans qui, se brisant sur la pointe du promontoire, s’élevaient en prodigieuses montagnes d’écume, à la hauteur du mât d’un vaisseau de guerre, contre le front rembruni du précipice. Le vieillard pâlit. Isabelle poussa un faible cri. Son guide pro-