Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avis, dis-je, que cette origine est plus honorable pour moi, comme homme de lettres, que si je comptais dans ma généalogie tous les vieux barons gothiques, à grosses têtes et à poings ferrés, qui datent du temps de Crentheminachryme, et dont aucun, je gage, ne pouvait écrire son nom.

— Si cette observation est une raillerie relative à mes ancêtres, dit le baronnet en prenant un ton de supériorité et de noble mépris, je suis charmé de vous apprendre que le nom d’un de mes aïeux, Gamelyn de Guardover-Miles, est nettement écrit de sa propre main sur la plus ancienne copie de la déclaration de Ragman.

— Ce qui ne sert qu’à prouver qu’il fut un des premiers à donner l’exemple d’une basse soumission à Édouard Ier. Qu’avez-vous à dire en faveur de la loyauté sans tache de votre famille, sir Arthur, après une telle trahison ?

— C’est assez, monsieur ! dit sir Arthur en se levant fièrement et repoussant son siège ; il s’écoulera du temps avant que j’honore de ma compagnie quelqu’un qui répond si mal à mes condescendances.

— En cela vous ferez ce qui vous conviendra davantage, sir Arthur ; mais j’espère que, comme je ne sentais pas toute l’étendue de l’obligation que je vous avais en entrant dans mon humble maison, vous me trouverez excusable de n’avoir pas porté la reconnaissance jusqu’à la servilité.

— C’est bien, très bien, monsieur Oldbuck, je vous souhaite le bonsoir. — Monsieur Lovel, je vous souhaite le bonsoir.

Et sir Arthur, courroucé, s’élança hors du parloir, comme s’il eût été enflammé de l’esprit des chevaliers de la Table ronde, et il traversa à grands pas le dédale de passages qui conduisaient au salon.

— Avez-vous jamais vu une vieille tête aussi sotte[1] ? dit Oldbuck apostrophant brusquement Lovel ; mais il ne faut pas que je le laisse partir de cette folle manière. »

Ainsi disant, il courut après le baronnet, dont il suivit la trace, au bruit des portes qu’il ouvrait et refermait avec violence en cherchant celle qui devait le conduire au salon. « Vous vous ferez du mal, cria l’Antiquaire : Qui ambulat in tenebris nescit quo vadit[2] ; vous tomberez dans l’escalier. »

Sir Arthur était arrivé au milieu de ténèbres, dont l’effet cal-

  1. Old tup headed ass, dit le texte ; ce qu’on pourrait traduire littéralement par « un vieil âne à grosse tête de mouton ou de bélier. » a. m.
  2. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. a. m.