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— C’était pour acheter du jus de réglisse et du sucre candi, dit le cynique, afin d’encourager le commerce de cette ville, et de rafraîchir le gosier des officiers qui s’étaient enroués au service de leur pays.

— Prenez garde, Monkbarns, nous finirons bientôt par vous compter parmi les Black-nebs ou becs noirs.

— Non, sir Arthur, je ne suis qu’un paisible frondeur, et ne réclame que le privilège de coasser ici, dans mon coin, sans joindre ma voix au grand chœur des grenouilles. Ni quito rey, ni pungo rey, je ne me mêle de faire ni de défaire les rois, comme dit Sancho Pança, mais je me contente de prier sincèrement pour notre propre souverain, de payer ma quote-part de l’impôt, et de maudire quelquefois le receveur des taxes. Mais voici le fromage de lait de brebis qui arrive fort à propos ; c’est un meilleur digestif que la politique. »

Quand le dîner fut fini, et que les carafons de vin eurent été mis sur la table, M. Oldbuck proposa une rasade à la santé du roi ; elle fut acceptée avec empressement par Lovel et le baronnet, dont le jacobitisme n’était plus qu’une sorte d’opinion imaginaire, l’ombre d’une ombre.

Après que les dames se furent retirées, le maître de la maison et sir Arthur s’enfoncèrent dans plusieurs discussions savantes, auxquelles le jeune homme, soit à cause de l’érudition abstraite où ils se plongeaient, soit par tout autre motif, ne participa que faiblement : jusqu’à ce qu’enfin il fut soudainement réveillé de la profonde rêverie où il s’était livré par un appel fait à son jugement.

« Je m’en rapporterai à M. Lovel, il est né dans le nord de l’Angleterre, et connaît peut-être cet endroit. »

Sir Arthur dit qu’il croyait peu probable qu’un aussi jeune homme eût fait beaucoup d’attention à une chose de ce genre.

« Je ne suis pas de cet avis, répondit Oldbuck ; qu’en dites-vous, M. Lovel ? Parlez pour votre honneur, jeune homme. »

Lovel fut alors obligé d’avouer qu’il était dans la situation ridicule de quelqu’un qui ignorait également le sujet de la conversation et celui de la dispute qui occupait la compagnie depuis une heure.

« Que le ciel ait pitié du pauvre garçon ! Sa tête a battu la campagne ; je me doutais qu’il en serait ainsi dès que les femmes seraient admises parmi nous, et qu’il n’y aurait pas moyen d’obtenir un mot de bon sens du jeune homme, même plus de six heures après. Écoutez-moi donc : Il y eut jadis un peuple qu’on nommait les Piks.