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tunes. Quand malheureusement leur conversation tombait sur des temps plus récens, des sujets de discorde se présentaient presque à chaque page de l’histoire. Oldbuck était par principes un ferme presbytérien, tandis que sir Arthur était précisément le contraire. Ils tombaient d’accord, il est vrai, dans leur sentiment d’attachement et d’obéissance envers le roi qui occupe maintenant le trône[1] ; mais c’était leur seul point de réunion. Il y avait donc souvent entre eux des disputes assez vives, dans lesquelles Oldbuck ne pouvait pas toujours contenir son humeur caustique, tandis que le baronnet trouvait, de son côté, que le descendant d’un imprimeur allemand dont les pères avaient recherché la vile société de misérables bourgeois, s’oubliait étrangement et prenait dans la discussion des libertés injustifiables, vu le rang et l’ancienne origine de son antagoniste. Le souvenir de l’ancienne injure faite à son père par celui de M. Oldbuck lorsqu’il vint s’emparer des chevaux, du manoir et de la tour fortifiée, venait se joindre aussi au reste pour enflammer à la fois les joues et les argumens du baronnet ; et M. Oldbuck, qui, sous quelques rapports, regardait son digne ami et compère à peu près comme un sot, finissait souvent par le lui faire entendre un peu plus clairement que la politesse ne l’aurait voulu. Dans des cas semblables, ils se quittaient souvent profondément irrités, et résolus à éviter dorénavant la compagnie l’un de l’autre ;

 
Mais la réflexion venait le lendemain,
Et derechef alors on se tendait la main.

En effet, comme chacun de son côté sentait que l’habitude lui avait rendu nécessaire la société de l’autre, un rapprochement ne tardait pas à avoir lieu. Dans ces occasions, Oldbuck, songeant que l’irritabilité du baronnet ressemblait à celle d’un enfant, montrait la supériorité de son bon sens en faisant les premiers pas vers une réconciliation. Mais il arriva une fois ou deux que l’orgueil aristocratique du chevalier de haute origine prit un essor par trop offensant pour le représentant de l’imprimeur. Alors la rupture entre ces deux originaux eût pu devenir éternelle, sans l’intervention et les bienveillans efforts de la fille du baronnet, miss Isabelle Wardour, laquelle, avec un fils qui servait alors dans l’étranger, était tout ce qui lui restait de sa famille. Elle savait à quel point son père avait besoin de M. Oldbuck pour se distraire, et il était rare qu’elle s’interposât sans effet lorsque la piquante causticité de l’un, ou les airs de supériorité qu’affectait l’autre, avaient rendu sa médiation né-

  1. Ceci se rapporte au règne de feu George III. a. m.