Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/58

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dans son loyalisme tout théorique, il se plaisait à la regarder encore comme vivante, il n’en était pas moins en toute occasion de service réel et de conduite pratique, un sujet zélé et dévoué de George III.

Sous d’autres rapports, sir Arthur Wardour menait la vie de la plupart des gentilshommes des comtés d’Écosse. Il allait à la chasse, à la pêche, donnait et recevait à dîner, suivait les courses de chevaux et les réunions du comté, était lieutenant délégué ou commissaire dans tous les actes publics qui concernaient le comté : mais, en avançant en âge, comme il devint trop nonchalant ou trop lourd pour se livrer aux exercices du dehors, il y suppléa en lisant de temps à autre l’histoire d’Écosse ; et ayant pris par degrés du goût pour les antiquités, quoique ce goût ne fût ni très profond, ni très correct, il se lia avec son voisin M. Oldbuck de Monkbans, et se joignit à ses travaux et à ses recherches.

Il y avait cependant, entre ces deux originaux, des points de différences qui quelquefois amenaient la discorde. Sir Arthur, comme antiquaire, avait une foi sans bornes, et Oldbuck, malgré l’affaire du prœtorium au Kaim de Kinprunes, était beaucoup plus scrupuleux à recevoir de vieilles légendes pour monnaie courante et authentique : sir Arthur se serait cru coupable du crime de lèse-majesté s’il avait douté de l’existence d’un seul individu de ce formidable catalogue des cent quatre rois d’Écosse admis par Boëce, et rendu classique par Buchanan, en vertu duquel Jacques réclamait le gouvernement de son ancien royaume, et dont les portraits grimaçaient encore sur les murs de la galerie d’Holy-Rood. Oldbuck, au contraire, homme pénétrant et soupçonneux, et qui n’avait pas un grand respect pour le droit divin d’hérédité, était enclin à pointiller un peu sur cette liste sacrée, et à soutenir que toute cette suite de postérité de Fergus, qui remplit toutes les pages de l’histoire d’Écosse, avait aussi peu de réalité et de substance que les apparitions lumineuses des descendans de Banquo dans la caverne d’Hécate[1].

Un autre point très délicat était la bonne renommée de la reine Marie, dont le baronnet était le défenseur le plus chevaleresque, tandis que l’écuyer l’attaquait en dépit de sa beauté et de ses infor-

  1. Ceci fait allusion à une scène de la tragédie de Macbeth. L’histoire d’Écosse n’est un peu claire et précise qu’à partir de ce prince usurpateur, qui virait dans le ixe siècle. Le Fergus dont il est question deux lignes plus haut eût régné environ trois cents ans avant J.-C.