Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/442

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que vous fussiez capable d’apprécier son mérite. Une femme à la tournure leste et pimpante, dont la tête serait surmontée d’un panache éclatant, qui porterait une amazone un peu de la couleur de votre uniforme, qui conduirait aujourd’hui le cabriolet, et demain passerait en revue le régiment sur le cheval gris qui aurait traîné la voiture la veille, hoc erat in votis[1], voilà celle qui vous subjuguerait, surtout si à ces qualités elle joignait le goût de l’histoire naturelle et était curieuse de voir un échantillon de phoque.

— Il est bien dur, dit Hector, de m’entendre toujours jeter au nez ce maudit veau marin ; mais au surplus cela m’est fort égal, et je n’ai pas envie non plus de mourir de chagrin pour les beaux yeux de miss Wardour. Elle est libre de choisir qui lui plaît ; je souhaite de tout mon cœur qu’elle soit heureuse.

— Ô générosité magnanime digne du soutien de Troie ! vous me rassurez, Hector ; j’avais peur d’une scène ; votre sœur m’avait dit que vous étiez passionnément amoureux de miss Wardour.

— Voudriez-vous donc, monsieur, dit le jeune homme, que je fusse passionnément amoureux d’une femme qui ne se soucie pas de moi ?

— Non pas, mon neveu, dit l’Antiquaire plus sérieusement ; il y a certainement beaucoup de bon sens dans ce que vous dites, et j’aurais donné beaucoup il y a vingt-cinq ans pour pouvoir penser comme vous.

— Tout le monde, je présume, peut penser comme il lui plaît sur de pareils points.

— Non pas suivant les usages de l’ancien régime, dit Oldbuck ; mais, comme je l’ai dit auparavant, la coutume du siècle me paraît plus sage, quoique faite pour inspirer moins d’intérêt. Mais, voyons, dites-moi quelles sont vos idées au sujet de cette invasion dont on parle tant ; le cri général est qu’ils arrivent. »

Hector, digérant sa mortification, qu’il désirait surtout cacher aux regards satiriques de son oncle, s’empressa d’entrer dans une conversation qui devait détourner ses pensées de miss Wardour et du veau marin. En arrivant à Monkbarns, comme ils s’empressèrent de raconter aux dames les événemens qui s’étaient passés au château, et qu’ils durent écouter à leur tour le récit de leurs incertitudes, et combien elles avaient hésité de se mettre à table avant le retour de l’Antiquaire, ces deux sujets si redoutés n’eurent pas lieu de se présenter.

  1. Tels étaient vos désirs. a. m.