Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/420

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différentes espèces d’épines et de ronces. C’était dans ce lieu que s’était passée, entre miss Wardour et Lovel, l’explication dont le vieil Édie Ochiltree avait été témoin. Le cœur disposé à l’attendrissement par les malheurs qui menaçaient son père, miss Wardour se rappela en ce moment chaque parole, chaque raisonnement dont Lovel s’était servi pour plaider la cause de son amour, et ne put s’empêcher de s’avouer que la pensée d’avoir inspiré à un jeune homme de ce mérite une passion si violente et si désintéressée, était bien faite pour flatter son orgueil. Il y avait des gens qui pouvaient traiter de romanesque le sentiment qui lui avait fait abandonner une profession dans laquelle on le disait en position de faire un chemin rapide, pour venir s’enterrer dans un lieu aussi peu attrayant que Fairport, sans autre consolation que d’y méditer sur un amour qui n’était pas partagé ; mais certes, cet excès d’attachement devait paraître bien excusable à celle qui en était l’objet. S’il eût possédé un sort indépendant, tel modique qu’il pût être, ou s’il eût pu prouver qu’il avait des droits incontestables au rang dont il semblait fait pour être l’ornement, elle aurait pu partager son destin ; elle se trouverait maintenant à même d’offrir chez elle, à son père, un asile dans son malheur. Ces pensées, si favorables à l’amant absent, se succédaient alternativement dans son esprit, et sa mémoire lui retraçait chacune de ses expressions, chacun de ses gestes, de ses regards, avec une exactitude qui prouvait qu’en rejetant ses vœux elle avait plus écouté son devoir que son penchant. Isabelle rêvait donc tour à tour sur ce sujet et sur les chagrins de son père, lorsque, dans un endroit où le sentier suivait le détour d’un petit tertre couvert de broussailles, elle se trouva tout-à-coup en face de la vieille robe bleue.

D’un air qui semblait indiquer qu’il avait quelque chose d’important et de mystérieux à lui communiquer, Édie ôta son chapeau, et s’avançant avec précaution, il dit d’un ton qui montrait la crainte d’être entendu : « Je désirais beaucoup rencontrer Votre Seigneurie ; car vous savez que je n’ose pas venir au château, à cause de Dousterswivel.

— En effet, dit miss Wardour jetant quelque chose dans le chapeau du mendiant, j’ai appris que vous aviez fait une action très folle, sinon très coupable, et cela m’a fait une véritable peine.

— Eh bon Dieu ! ma bonne lady, le monde est plein de fous ; comment le vieil Édie, lui seul, serait-il toujours sage ?… Et quant